On se souvient de l’affaire Dutroux qui eut tant de répercussions en Belgique, dans le reste de l’Europe et finalement dans le monde entier. Dans les années 1990, le pédophile Marc Dutroux avait enlevé et séquestré dans une cave des adolescentes dont il abusait. Plusieurs d’entre elles sont mortes, dont Julie et Mélissa abandonnées et, selon la justice, mortes de faim. La Belgique était sous le choc. En solidarité avec les victimes et leurs familles, une marche blanche rassembla quelque 300 000 personnes à Bruxelles. Mais la procédure judiciaire n’a pas satisfait tout le monde – loin de là.
Il fallait absolument que Marc Dutroux fût un prédateur isolé qui a agi seul. L’hypothèse d’un réseau de pédophilie en Belgique a été systématiquement écartée si bien que toute pièce du dossier qui pouvait attester l’existence d’un tel réseau a été ignorée, mise à l’écart ou même perdue. C’est le cas d’une série de cassettes vidéo où il était possible de reconnaître un certain nombre de pédophiles.
Aujourd’hui Marc Dutroux, condamné à la réclusion à perpétuité, coule une existence tranquille dans une prison de luxe à Bruges. Plusieurs personnalités politiques et journalistiques ont tenté, sans succès, d’attirer l’attention de la justice, du monde politique et des médias sur les irrégularités de la procédure et les bizarreries de l’affaire Dutroux. L’évasion de Dutroux pendant l’été 1998 n’était pas la moindre d’entre elles, puisqu’il y a de bonnes raisons de croire que cette évasion a été planifiée par le Premier ministre d’alors pour pouvoir abattre Marc Dutroux en cavale et ainsi clôturer tout le dossier sans risque de fuites.
Or tout récemment, le député indépendant Laurent Louis a relayé un courriel que des anonymes ont adressé à l’ensemble des parlementaires de Belgique. Il contient la liste de tous les politiciens, hommes d’affaires et magistrats impliqués de près ou de loin dans l’affaire Dutroux et suggère l’existence d’un réseau pédophile et criminel. Bien entendu, Laurent Louis s’est heurté à une opposition violente du Parlement. On parle de lever son immunité parlementaire et de le poursuivre en justice. Le site internet du député a été fermé.
Face au tollé politico-médiatique, Laurent Louis s’est défendu par une conférence de presse au cours de laquelle il a dévoilé les photos de l’autopsie de Julie et Mélissa et a mis en ligne le dossier d’expertise. « Sur base de ces photos et de l’expertise – s’explique-t-il – on voit clairement que la thèse selon laquelle les fillettes seraient mortes de faim suite leur emprisonnement par Dutroux ne tient pas. Elles ont été violées post mortem, or personne n’a jamais été condamné pour ces faits répréhensibles ; ou alors elles ont reçu des visites durant la détention de Marc Dutroux, et dans ce cas-là les criminels et les violeurs courent toujours ».
Tant qu’on n’aura pas répondu à toutes les questions ni exploré toutes les pistes dont celle du réseau, le sentiment général que la justice n’a pas été pleinement rendue subsistera. L’opposition violente de la classe politique à toute réouverture de l’instruction de l’affaire Dutroux ne fait que confirmer que des criminels courent toujours. (C.B.C.)