La situation des droits de l’homme en Chine « s’aggrave de jour en jour aussi à cause de l’affaiblissement de la pression des pays occidentaux sur le gouvernement de Pékin» et cette situation « entraînera bientôt une catastrophe encore plus vaste qui ne se limitera plus aux droits individuels ». C’est ce qui a été déclaré le 20 juin dernier par le dissident chinois Wei Jingsheng lors de son témoignage devant le Parlement européen sur la situation de la Chine contemporaine.
Selon Wei, vainqueur du Prix Sakharov, il y a « six signaux qui indiquent que la situation n’est plus gérable. Si l’Occident continuera à échanger les droits de l’homme de la Chine avec des avantages économiques, nous parviendrons à une époque semblable à celle de l’Allemagne nazie ». Ci-dessous des extraits de l’important témoignage. « Ces derniers temps, et en particulier à partir de l’année dernière, la situation des droits de l’homme en Chine s’est rapidement détériorée. Ce phénomène est dû au fait que les Etats-Unis et les pays européens ont réduit leur pression sur le gouvernement chinois.
La détérioration se manifeste principalement sous les aspects suivants. Le premier aspect est le strict contrôle sur les médias. La censure des médias traditionnels a toujours existé, mais le degré de la sanction a rapidement augmenté. Ces dernières années, de plus en plus de directeurs et de journalistes ont été destitués de leurs fonctions. (…) Toutes les organisations des médias chinois, quand elles traitent de thèmes importants, doivent s’accorder avec les indications du Département de propagande du Parti communiste, en choisissant ce qui doit être déclaré et ce qui ne doit pas l’être. (…)
Le deuxième aspect concerne la guerre sur Internet. Non seulement le gouvernement chinois contrôle le réseau par le biais de certains mots qui sont filtrés, mais il emploie des centaines de milliers d’agents pour contrôler Internet afin de supprimer les points de vue non communistes et faire progresser la propagande du Parti (…). Ces derniers mois, la censure est augmentée au point que certains sites des différentes factions au sein même du Parti ont été fermés. En outre, le Département pour la cyber-censure a lancé de nombreuses attaques contre des sites d’opposition et des privés et est arrivé à attaquer des sites de pays occidentaux.
Le troisième est le renforcement de la répression envers les citoyens de la part du gouvernement chinois, agissant sous le prétexte du soi-disant “maintien de la stabilité”. Le Parti communiste a embauché un grand nombre de violents et non-professionnels pour coopérer avec la police, en utilisant la violence pour réprimer les manifestations et étouffer les demandes des citoyens ou de la collectivité. Chaque année, il y a plusieurs millions de cas de ce genre, au point que les dépenses pour le “maintient de la stabilité” sont supérieures à celles militaires.
Le quatrième aspect concerne la répression des avocats et des militants qui œuvrent pour les droits des travailleurs. Souvent les avocats voient leur licence révoquée et ils sont même jetés en prison quand ils acceptent des cas que les fonctionnaires n’aiment pas. Tout comme pour d’autres militants, les avocats sont également mis sous pression non seulement par les fonctionnaires communistes, mais aussi par des truands de la mafia.
Le cinquième concerne l’œuvre de para-mafia des organismes pour l’application de la loi en Chine. Au cours des deux dernières décennies, le système judiciaire sous le contrôle du Parti communiste a commencé à utiliser de plus en plus des moyens illégaux. Désormais, l’utilisation de la torture pour obtenir des aveux et la fabrication de preuves contre les innocents sont devenues un phénomène commun. Le cas du procureur Li Zhuang qui a eu lieu à Chongqing il y a environ trois ans est significatif. Dans le langage commun utilisé par les fonctionnaires du système judiciaire, on adopte désormais l’expression “utiliser des moyens techniques”. En particulier lorsqu’ils doivent traiter de cas politiques, l’utilisation des systèmes de la mafia est devenue une pratique courante pour ces fonctionnaires. (…)
Le sixième aspect est la légalisation de systèmes illégaux. Pour améliorer l’efficacité de la répression et le maintien de la stabilité, de nombreuses activités qui ne l’étaient pas ont été rendues légales. Prenez par exemple le cas que j’ai cité pendant mon témoignage devant le Congrès américain, qui a eu lieu le 15 mai 2012. En 1994, la détention illégale pouvait être approuvée seulement à l’intérieur des départements de la police, et elle n’était pas reconnue par les procureurs et les juges. Mais ce type de détention illégale a été progressivement étendu à l’ensemble du pays au cours de la dernière décennie ou peu avant. Récemment, le Congrès national du peuple, dans son nouveau Code de procédure pénale, a reconnu comme légitime cette forme de détention illégale. (…)
En conclusion, la détérioration de ces six aspects démontre que la situation des droits de l’homme en Chine a atteint un niveau critique. La “mafia” du système judiciaire est en train de préparer l’entrée de toute la société chinoise dans une époque semblable à celle de l’Allemagne nazie ou de la Révolution culturelle. Les politiques myopes des pays occidentaux démocratiques, ainsi que la politique d’utiliser les droits de l’homme d’un autre peuple pour obtenir des avantages économiques, engendreront – comme l’histoire l’a déjà démontré – une catastrophe encore plus grande que celle, déjà grave, du non respect des droits de l’homme ».