L’avortement reste en Espagne un sujet de polémique qui fait descendre dans la rue. Samedi, à l’occasion de la Journée internationale de la Vie, près de 150 000 personnes ont manifesté dans les rues des principales villes du pays, pour réclamer « l’abolition de la législation permissive de l’avortement et le retrait de toutes les dispositions de nature à faciliter l’euthanasie et la manipulation des embryons humains ». Répondant à l’appel d’une dizaine d’organisations regroupées sur la plate-forme “Hazte Oir”, “Fais-toi entendre”, les Espagnols ont défilé dans plus de 80 villes : Madrid, Barcelone, Oviedo, Saragosse, Las Palmas…
Ils démontrent une fois de plus une force d’opposition qui n’a pas diminué, on ose l’espérer, depuis la grande manifestation d’octobre 2009 peu avant la légalisation effective de l’avortement. Le 24 février 2010, la loi instaurait l’interruption volontaire de grossesse, une notion inexistante jusqu’alors dans le droit espagnol. Elle autorise l’avortement au cours des 14 premières semaines de grossesse et porte cette possibilité à 22 semaines en cas de risque pour la vie et la santé de la mère.
Cette durée est illimitée dans le cas où le fœtus « est atteint d’une maladie extrêmement grave et incurable » et que la situation est constatée par une commission médicale. Pour la femme enceinte âgée de 16 ou 17 ans, la loi prévoir l’obligation d’informer au moins un des deux parents, sauf si cette information présente un danger pour la mineure… Par rapport à la loi de 1985, les possibilités d’avortement s’étaient considérablement élargies.
Rappelons que 46 % des Espagnols alors étaient opposés à cette réforme, contre 44 % qui étaient pour. L’un des grands arguments du lobby avait été d’affirmer que la mise en place de délais allait permettre de faire diminuer le nombre des avortements. Quelques mois après l’entrée en vigueur de la loi, ils avaient déjà annoncé une baisse. Alors que les estimations officielles, disponibles pour la ville de Madrid, faisaient état pour le second trimestre 2010 d’une augmentation des avortements par rapport au second trimestre 2009… Il n’y a pas de statistiques officielles, mais l’on peut raisonnablement étendre ce résultat à l’ensemble du pays.
Ils avaient prétendu aussi faire diminuer le nombre d’avortements par une meilleure diffusion de la contraception. Une étude a été réalisée en Espagne sur un échantillon représentatif de femmes en âge de procréer, par une équipe de chercheurs venant de plusieurs hôpitaux et centres de planification familiale, sur la période allant de 1997 à 2007 : si le taux d’usage général de moyens contraceptifs parmi les femmes composant l’échantillon a progressé de 60%, le taux d’avortements provoqués, lui, a plus que doublé au cours de la même période…
Le recours accru à la contraception va décidément de pair avec une augmentation des avortements. La pilule du lendemain est distribuée massivement, depuis 2001, en Espagne. Il y avait 60 000 avortements en 2000 ; en 2008, les statistiques officielles du ministère de la Santé en dénombraient 115 000.
Plus grande insouciance, plus grande prie de « risque », plus grande folie… A l’heure où une vingtaine d’Etats américains examinent des législations demandant de réaliser une échographie avant d’avorter, l’Espagne catholique s’est une nouvelle fois dressée contre l’ignominieuse loi. (M. P.)