Ce pourrait n’être qu’un attentat de plus, comme la France en connaît régulièrement depuis quelques années. Ce pourrait n’être qu’un nom supplémentaire à ajouter à une liste de victimes qui en compte déjà plus de deux cents.
Pourtant, aussi tragique soit-elle, la mort du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, de la Gendarmerie nationale, égorgé par l’islamiste qui, après avoir tué et blessé plusieurs personnes, ce vendredi matin 23 mars, avait pris en otages les clients et le personnel du petit supermarché de Trèbes, dans la banlieue de Carcassonne (Aude), est, en dépit des apparences, d’une autre nature et d’une autre portée.
La classe politique, les médias, le public le sentent confusément mais peinent à comprendre le choix d’un homme qu’il faut appeler un héros, mot qui avait, hélas, disparu depuis longtemps du vocabulaire courant.
Lorsqu’il s’est proposé, vendredi midi, au preneur d’otages, afin de prendre la place d’une jeune mère de famille, caissière du magasin, le colonel Beltrame n’avait, semble-t-il, aucune illusion sur le sort qui l’attendait. Le terroriste avait déjà assassiné trois personnes, visé une caserne de parachutistes et tiré sur des policiers des Compagnies républicaines de sécurité. À l’évidence, il ne perdrait pas l’occasion de tuer un haut gradé de l’armée française.
Le colonel Beltrame n’a pourtant pas hésité et offert sa vie contre celle d’une inconnue. Il a également permis à ses collègues, en réussissant à dissimuler un téléphone allumé dans le magasin, d’intervenir plus sûrement et d’abattre l’islamiste.
Cette abnégation étonne, à l’évidence, tous ceux, et ils sont majoritaires, en France et en Europe, qui, prisonniers de leur matérialisme et de leur égoïsme, sont incapables d’appréhender la notion même de sacrifice, de devoir et de dévouement.
Officier, le colonel Beltrame, en choisissant la carrière des armes, avait accepté de donner, le cas échéant, sa vie pour sa patrie. Qu’il soit allé au bout de son engagement est dans l’ordre des choses. Cela ne devrait surprendre personne.
Pourquoi, alors, tant d’étonnement face à ce qui, jadis, allait de soi et honorait soldats et officiers ?
Parce que le colonel Beltrame, en ce vendredi de la Passion, a sciemment donné à son geste une dimension sacrificielle, et, pour tout dire, chrétienne, qui change tout.
Né dans un milieu déchristianisé, Arnaud Beltrame était venu à 33 ans au catholicisme mais, là encore, son engagement avait été absolu et sans retour. Sa découverte tardive du passé chrétien de la France et de sa grandeur avait imprimé à son existence un nouveau tour ; la rencontre avec les héros du passé l’avait métamorphosé et fait de lui cet officier exemplaire auquel rendent hommage tous ceux qui l’ont côtoyé.
Pénétré d’une conception chevaleresque de son rôle, et de la protection qu’il devait aux faibles, le colonel Beltrame a assumé ses responsabilités de chef jusqu’au bout, protégeant les civils dont il avait la charge et les hommes qu’il commandait.
Pour la première fois depuis le début de ce qu’aucun dirigeant n’ose appeler une guerre déclenchée sur le territoire français par des ennemis aussi bien intérieurs qu’extérieurs, un tueur déterminé, prêt à mourir pour ce qu’il estimait être une cause juste et sainte, a trouvé en face de lui un homme animé d’une foi plus grande que la sienne. Celui qui tuait au nom d’Allah a trouvé sur sa route quelqu’un qui acceptait de mourir au nom du Christ et selon Son enseignement suprême : « il n’est pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »
Le colonel Beltrame aimait la France et ses compatriotes. Il les a aimés jusqu’au bout. Ce n’est pas une victime désarmée et pathétique, comme il l’imaginait peut-être, que le tueur a eu le temps de blesser mortellement – le colonel Beltrame a survécu assez longtemps pour recevoir les derniers sacrements.- avant de périr à son tour, mais un vainqueur.
Pour parvenir, en quelques années, à cet accomplissement et devenir un héros, il a suffi au colonel Beltrame de retrouver la foi et les enseignements du passé chrétien de son pays. Preuve que tous les redressements demeurent encore possibles.
Combien de temps faudra-t-il aux gouvernants pour prendre conscience de cette vérité et crier à un fanatisme catholique pire que le terrorisme islamique ? (Anne Bernet)