France : Valls ou le culte de la popularité

Manuel Valls
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Manuel VallsAu lendemain de Municipales calamiteuses pour les socialistes, désaveu sans appel de la politique poursuivie par le gouvernement depuis deux ans, François Hollande a remplacé le Premier ministre Jean-Marc Ayrault par Manuel Valls, présenté au fil de sondages sujets à caution, comme le politicien préféré des Français. À considérer l’homme et son bilan, l’on se demande pourquoi.

Né à Barcelone le 13 août 1962, naturalisé français à vingt ans, Manuel Valls, très tôt engagé à gauche, est issu d’une famille de la grande bourgeoisie catholique catalane, composée de banquiers, juristes, hommes politiques, intellectuels, conservateurs. Valls pourrait se vanter, à juste titre, du courage d’un grand-père paternel qui, en 1936, quoique porté sur la liste des personnalités à abattre par les communistes, se soucia de protéger les prêtres de sa paroisse et de mettre le Saint Sacrement en lieu sûr, chez lui, avant de penser à sa propre sécurité et à celle des siens.

La fortune familiale ne survécut pas à la guerre civile. C’est au talent de peintre de son père, artiste reconnu, qu’il dut de connaître une enfance aisée, entre Espagne et France, Xavier Valls s’étant installé à Paris pour raisons professionnelles, non pour fuir le régime franquiste.

Détails qui ne cadrent pas avec le personnage de fils de réfugié politique, fabriqué quand, au début des années 80, Valls s’est engagé aux jeunesses socialistes dans le sillage de Michel Rocard. Détails qui ne figurent pas, d’ailleurs, dans la seule étude « officielle » parue à ce jour, Valls à l’Intérieur (Robert Laffont, Paris, 2014), cosignée par deux journalistes du quotidien Le Monde, David Revault d’Allonnes et Laurent Borredon. Il faut, pour en être informé, se fier au livre, destiné à un moindre écho médiatique, du rédacteur de la revue Faits et Documents, Emmanuel Ratier, qui publie Le vrai visage de Manuel Valls (Librairie Facta, Paris).

Valls choisit donc de rompre avec la tradition familiale et la foi de ses ancêtres, rupture manifestée, entre autres, par son initiation maçonnique au Grand Orient de France, facilitée par l’un de ses amis, Alain Bauer, futur Grand Maître et criminologue. Élu maire d’Évry dans l’Essonne en 2001, député l’année suivante, Valls, depuis le début des années 90 « jeune loup du PS », mais réformateur décidé à en finir avec une vision dépassée de la gauche, à ce titre jugé « droitiste », au point que Sarkozy lui fera des avances appuyées pour l’amener, sans succès, à rejoindre sa propre équipe gouvernementale, compte nombre d’adversaires au sein de son propre parti.

Il les utilisera avec un incontestable sens stratégique pour avancer. S’il n’obtient que 5,63% des suffrages à la primaire socialiste en vue des Présidentielles, il s’en sert pour se tailler dans l’opinion l’image qui lui manquait. Son ralliement à Hollande lui vaut la direction de la communication de la campagne électorale du candidat socialiste, et, après sa victoire, le poste convoité de ministre de l’Intérieur.

Publiés au début de l’année, les chiffres de la sécurité prouvent que Valls, à ce poste, n’a pas fait merveille mais a su faire parler de lui avec un art consommé : prises de position bruyantes sur divers sujets de société, liés à l’Islam et la laïcité, qui l’ont fait comparer à Sarkozy, ou dans la grotesque « Affaire Leonarda » qui décrédibilisa à l’automne 2013 le chef de l’État, guerre médiatique et juridique implacable contre l’humoriste Dieudonné …

Cependant, c’est dans la répression disproportionnée et violente, alternant menaces, tirs de grenades lacrymogènes sur des femmes et des enfants, provocations policières, arrestations et détentions arbitraires de manifestants pacifiques, poursuites contre de « dangereux extrémistes » arborant les polos bleus ou roses à l’effigie du mouvement, dans le cadre de la mobilisation contre le prétendu « mariage pour tous » que le ministre s’est particulièrement et haineusement distingué, y gagnant le surnom de « Manuel Gaz ».

Tel est l’homme qu’une presse et des biographes oublieux, -Revault d’Allonnes et Borredon ne font allusion à ces événements que pour souligner l’intolérable pression subie par les ministres socialistes pris à partie dans tous leurs déplacements par les opposants à la loi …- présentent comme « le chouchou » des Français et des électeurs de droite en particulier. On croit rêver.

Ou cauchemarder car, comme le souligne Marine Le Pen, « l’homme est dangereux ». Par idéologie, détestation des racines familiales, ambition forcenée ? Reste à savoir si, devenu Premier ministre, poste exposé, Valls survivra politiquement à la réalité du pouvoir. Dans l’état actuel de la France, les coups de menton virils et les déclarations tapageuses risquent, en effet, de ne plus suffire. (Anne Bernet)

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