Voici 35 ans que l’avortement a été libéralisé en Italie, par la loi 194 du 22 mai 1978. Cette loi comporte un vice de fabrication dans la mesure où elle a été signée par le Président du Conseil de l’époque, Giulio Andreotti, et par le président de la République, Giovanni Leone, démocrates-chrétiens tous les deux, qui, pour sauver le gouvernement se sont retrouvés à devoir capituler face à une majorité parlementaire exiguë et improvisée de tendance laïque.
Ce vice de fabrication dû à la “raison politique” a plombé les trente années années qui ont suivi, au cours desquelles la classe politique catholique, mais également certains milieux de la Conférence Épiscopale Italienne, ont considéré qu’il valait mieux, au lieu de l’abroger, “améliorer” cette loi “194”, sans comprendre qu’il n’y avait rien à attendre d’une légère restriction de sa portée, et que le seul objectif raisonnable à se fixer ne pouvait être que sa supression. Et tandis que dans le monde entier, et particulièrement aux États-Unis, des mouvements “pro-life” ont commencé à s’organiser pour organiser une lutte sans compromis contre l’avortement, en Italie au contraire le Mouvement pour la Vie de Carlo Casini a mené depuis plus de trente ans une stratégie de négociation sur les principes qui, disons-le, n’a jusqu’ici obtenu aucun résultat.
Jean-Paul II fut du reste élu quelques mois seulement après l’approbation de la Loi “194” et il s’était étonné du peu de combattivité du mouvement “pro-life” italien. Du reste, la promulgation le 25 mars 1995 de Evangelium Vitae fut comme une semonce adressée avant tout aux catholiques minimalistes. Dans ce document, le Pape mettait en garde et enjoignait de ne jamais employer de termes équivoques comme l’ «interruption de grossesse» : «L’avortement – rappelait-Il – est le crime délibéré et direct, -quelle que soit la façon dont il est effectué-, d’un être humain dans la phase initiale de son existence, qui va de sa conception à la naissance» (n° 58) ; l’approuver par une loi constitue un «crime» commis au nom du «relativisme éthique» (n° 70).
Lorsque, du fait d’un «obscurcissement tragique de la conscience collective», le relativisme parvient à remettre en question les principes fondamentaux de la loi morale, c’est l’équilibre démocratique même qui est «ébranlé dans ses fondements, et se retrouve réduit à un pur mécanisme de régulation empirique des intérêts divers et contradictoires». Reprenant les paroles de Jean-Paul II, les Catholiques considèrent la loi 194 comme une loi «inique» et dépourvue «de validité juridique» dans la mesure où «lorsqu’une loi civile légitime l’avortement ou l’euthanasie, elle cesse par là même d’être une véritable loi civile qui moralement oblig» (n° 72).
Ce sont ces mêmes principes, que Benoît XVI a fait siens, qui sont le fondement de la Marche pour la Vie qui s’est déroulée le 13 mai dernier à Rome, couronnée d’un succès extraordinaire. L’initiative est née spontanément, émanant de la base catholique, lasse de la politique de tergiversation et bien décidée à se battre contre l’avortement à visage découvert, comme cela s’est fait dans tous les pays occidentaux. Du reste, un cardinal des États Unis, Préfet de la Signature Apostolique, Raymond Leo Burke a témoigné par sa présence du soutien de l’Église aux Italiens qui mènent le combat pro-life.
De nombreux évêque italiens, et parmi eux des figures éminentes, ont envoyé des messages d’adhésion et d’encouragement ; d’autres ont adopté un comportement attentiste prudent, souhaitant auparavant vérifier le résultat de cette initiative. Ce succès, qui a été pour beaucoup une surprise inattendue, revêt une importance toute particulière dans la mesure où la Marche pour la Vie, à laquelle ont adhéré cent cinquante associations de tailles diverses, est complétement indépendante, y compris sur le plan économique, de toute forme de conditionnement politique ou d’églises.
Ont notamment été interdits lors de cette Marche tout symbole ou slogan de partis, justement pour éviter de stigmatiser trop facilement des adversaires idéologiques dépourvus quant à eux d’arguments pour mener une discussion sur le sujet. En fin de compte, le but est de montrer que le débat sur l’avortement reste encore ouvert et qu’en Italie il existe bel et bien un peuple qui défend la Vie et qui est prêt à descendre dans la rue pour manifester ses convictions.
Le 13 mai a donc marqué un tournant dans l’histoire du mouvement italien de défense de la Vie. Le prochain rendez-vous est pris pour le mois de mai de l’année prochaine. Nous avons devant nous toute une année pour nous mobiliser en vue de la défense de la Vie. (R. d. M.)