Le rapport entre l’homme et la biotechnologie était au centre des réflexions du Congrès international dont le titre était : Aux limites de l’humain. La personne humaine à l’ère de la révolution biotechnologique, organisé par l’Association italienne Famiglia Domani à Rome ces 25 et 26 février derniers.
Après le salut inaugural du Président de Famiglia Domani, Luigi Coda Nunziante, le congrès s’est ouvert avec l’intervention du cardinal Raymond Leo Burke, Préfet du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique. Après avoir évoqué le magistère du Pape Jean Paul II, le cardinal s’est penché sur ce que la souffrance signifie pour le chrétien.
« Tandis que la société pourrait considérer la souffrance humaine comme inutile et comme une diminution de notre dignité humaine – comme l’a dit le cardinal Burke – nous savons que c’est exactement le contraire qui est vrai. La souffrance humaine, que l’on endosse par amour pour le Christ, apporte d’immenses bénédictions pour l’Église et pour le monde ». Le cardinal américain a ensuite adressé une invitation pressante à se battre pour la défense des valeurs chrétiennes et naturelles dans la société.
« Nous devons offrir notre prière et nos pénitences avant tout pour les chefs qui nous gouvernent. Nous devons beaucoup prier, par l’intercession de la Vierge Marie, pour la conversion des Nations et de leurs Chefs, à la culture de la Vie », a-t-il déclaré, déplorant enfin « le scandale causé par les Catholiques qui trahissent leur Foi en se taisant ou en participant activement à des actions menées contre la Vie et contre la Famille ».
À cette intervention a donné suite Mgr Luigi Negri, évêque de San Marino-Montefeltro, qui a insisté sur la valeur prophétique de l’Humanae vitae du Pape Paul VI. Cette encyclique a été décisive, car elle a su aller à contre-courant par rapport aux idéologies en vogue dans les années Soixante et qui sont encore répandues de nos jours.
D’après Mgr Negri, l’individualisme, le matérialisme, le consumisme et la techno-science ont littéralement réduit à néant le rapport homme-femme, le réduisant à un fait purement biologique et sexuel. C’est en celà que réside la cause de l’immoralisme qui sévit maintenant et qui a bouleversé la conception même de la famille et sa responsabilité d’engendrer. Paul VI avait réfuté ces aberrations en soulignant l’interaction féconde qui relie le mariage naturel et le mariage chrétien.
Le Congrès a pu trouver des appuis aussi bien après d’acteurs du monde juridique, que philosophique et scientifique. Certaines interventions avaient pour thème central l’avortement. Le Professeur Mario Palmaro, philosophe de Droit à l’Université Européenne de Rome, a affronté la question de la législation pro-avortement dans le monde.
« Si jusqu’à il y a quelques décennies – comme l’a souligné le spécialiste – presque tous les textes juridiques considéraient l’avortement volontaire comme un crime, aujourd’hui il est devenu licite dans la plupart des États ». Un tel changement juridique est évidemment lourd de conséquences antropologiques. Et pourtant, même si la situation semble irréversible, Palmaro a bien souligné qu’il est toujours possible d’approuver des lois intégralement justes, pourvu qu’il y ait une volonté bien précise de le faire, tant politique que culturelle, sociale et morale.
À l’opposé de tout cela, l’intervention du Professeur Claudia Navarini, bioéthicienne de l’Université Européenne de Rome, a focalisé l’attention sur le drame que l’avortement représente pour la femme. Même dans la littérature scientifique la plus favorable à l’interruption de grossesse on admet que l’avortement provoque chez la femme un véritable syndrome post-abortif, même après plusieurs années.
Comme l’a souligné Madame Navarini, lorsque la défense et l’indisponibilité de la vie humaine sont violées, il se crée un désordre intérieur général qui envahit toutes les dimensions de la personne. Un cri d’alarme a ensuite été lancé par le Dr Mercedes Wilson, présidente de la Fondation pour la Famille des Amériques et membre de l’Académie pour la Vie. Mme Wilson a constaté que tous les continents, sauf l’Afrique, sont frappés d’une grave décroissance démographique. Les politiques visant à favoriser l’avortement, la contraception et une éducation contraire à la vie et à la famille sont en effet en train de porter le monde au suicide.
Le thème central du Congrès a également été la mort cérébrale. Le Professeur Rainer Beckmann, juriste de l’Université de Heidelberg, en Allemagne, le philosophe Josef Seifert, professeur à l’Internationale Akademie für Philosophie, au Chili, le docteur Cicero Galli Coimbra, neurologue de l’Université de San Paolo au Brésil et le docteur Paul Byrne, néonatologue de l’Université de l’Ohio, aux États Unis, ont exprimé conjointement que la mort cérébrale n’est pas la mort de la personne : un être humain ne peut se réduire seulement à l’activité cérébrale.
Par conséquent, la mort ne peut être déclarée avec une certitude suffisante que lorsque tous les organes vitaux cessent de fonctionner de manière irréversible. C’est pour cette raison que les êtres présentant des lésions cérébrales ne sont pas neurologiqueent irrécupérables et ne peuvent pas être laissés sans soins et encore moins être considérés comme de simples donneurs d’organes comme s’ils étaient déjà décédés. De là découle le problème que pose les greffes d’organes. En effet, comme l’a révélé le Dr Armour, neurocardiologue de l’Université de Montréal, au Canada, le cœur étant un “petit cerveau”, il faut, pour le maintenir en vie en vue d’une greffe qui gardera en vie un autre être, maintenir en vie un système nerveux local.
Le 26 février au matin, les interventions se sont ouvertes avec le témoignage intense et émouvant du Dr Gianna Emanuela Molla, fille de Sainte Gianna Beretta Molla, qui a préféré mourir pour la laisser naître. Le Dr Molla a rappelé la sainteté de sa mère et de son père, donnant sa famille comme un exemple de famille chrétienne, animée d’une prière quotidienne et intense.
Le Professeur Matteo D’Amico, professeur d’histoire et de philosophie est ensuite intervenu, et a souligné combien l’abandon du réalisme métaphysique typique du christianisme et la destruction de l’ontologie de la substance ont abouti au “réductionnisme” actuel, tant mécaniste, matérialiste et scientiste, et a ouvert la voie à des pratiques de manipulation nihilistes, pratiques du reste sans limites dans le domaine biomédical. « Le technicisme dominant, – comme l’a ajouté le professeur – a pris les aspects d’une nouvelle religion séculaire, tout à fait typique des États totalitaires ».
Le Congrès s’est conclu par l’intervention du Professeur Roberto de Mattei, historien de l’Université Européenne de Rome. Le Pr De Mattei a souligné que l’Homme est fait d’une âme et d’un corps. L’être humain est une personne, dotée de droits inaliénables, justement du fait qu’elle a une âme. Et elle a une âme parce que, à la diférence de tous les autres êtres vivants, elle a une nature rationnelle. Et en effet, il n’y a pas de personne s’il n’y a pas, avant tout, de nature. Si, comme l’ont affirmé les darwinistes, l’homme n’est que matière en évolution, il peut donc être manipulé, déconstruit et reconstruit à loisir, à commencer par son identité sexuelle (comle l’a souligné le texte du Professeur Laura Palazzani, absente au congrès).
« Les limites de l’humain – comme l’a affirmé De Mattei – avant d’être les limites de la vie humaine, sont les limites de la nature humaine, qui n’est pas infinie. Prétendre rendre infinie l’essence de l’homme revient à dissoudre son essence ». « Pendant plusieurs siècles – a-t-il ajouté – l’homme est resté égal à lui-même parce qu’il avait une fin. Priver l’homme de sa nature signifie le priver de sa fin. Or l’Homme dénué de sa fin tombe dans le chaos mental et moral, dans le nihilisme ». « Ce choix entre l’être et le néant est ce devant quoi se trouve de nos jours la société moderne, ainsi que chacun de nous », a dit en conclusion le Professeur. (Fe. C.)