Livres: Élisabeth de la Trinité ou la louange de Dieu

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sainte-elisabeth-de-la-trinite-rayonner-dieuPeut-être est-ce un signe d’espoir, dans l’immense écroulement spirituel et moral de notre époque, que l’intérêt suscité en France et dans le monde par la personnalité, la vie et l’expérience mystique d’Élisabeth de la Trinité, canonisée ce 16 octobre.

Comme le rappelle le romancier Didier Decoin, dans un essai biographique de 2003 tout juste réédité (Élisabeth Catez, Le Cerf, Paris 2016, 226 pages, 18 €), dès sa naissance, la main de Dieu semble s’être étendue sur la fille aînée du capitaine Joseph Catez et de son épouse, Marie Rolland. En effet, ce 17 juillet 1880, qui sera un jour la fête des bienheureuses martyres de Compiègne chères à Élisabeth, la venue au monde de ce premier enfant se passe si mal que les médecins désespèrent de sauver la mère et le bébé.

À demi-morte, Mme Catez réclame une messe. L’aumônier du camp militaire d’Avord, près de Bourges, où sert le capitaine Catez, s’empresse de la célébrer. Le lendemain, 18 juillet, une petite fille en parfaite santé naît enfin.

Plus prosaïque, le Père Didier-Marie Golay, auteur d’un remarquable album, Sainte Élisabeth de la Trinité ; rayonner Dieu (Le Cerf, 2016, 238 p, 29 €), réfute le miracle. Peu importe au fond. Ce qui compte, c’est que cette enfant, enfermée au carmel de Dijon au lendemain de sa majorité, et qui y mourra dans de terribles souffrances à peine cinq ans après, emplira le siècle de sa lumière.

À sept ans, Élisabeth confie, très sérieuse, à un prêtre ami de la famille, son précoce désir d’être religieuse. Le chanoine Angles, qui croit à la réalité de cette vocation, en informe Mme Catez. Laquelle, veuve depuis quelques mois, va s’acharner, jusqu’à la majorité de sa fille, à empêcher ce vœu de s’accomplir. L’on peut s’étonner que cette femme très pieuse qui, ayant perdu son fiancé tué au combat en 1870, avait elle-même envisagé le couvent, se soit opposée avec autant de constance aux aspirations de sa fille aînée. Decoin, qui a souvent de bonnes intuitions, croit deviner l’angoisse d’une mère, non à la pensée de perdre une enfant adorée mais de la voir se fourvoyer, comme elle-même avait failli le faire, sur une voie sans issue dont elle ne pourrait plus sortir.

Si tel est le cas, les inquiétudes de Mme Catez sont vaines : la vocation d’Élisabeth, qui « a une volonté de fer », est bâtie sur le roc. En dépit d’un caractère coléreux contre lequel elle luttera très longtemps, la jeune fille qui, à quatorze ans, a fait secrètement vœu de virginité, sait très bien qu’elle n’aimera jamais un autre que le Christ et s’étonne qu’on puisse même y songer. Ni ses succès en société, dus à son incontestable beauté et ses grands talents de pianiste ne l’empêcheront d’aller s’enfermer au carmel.

Le grand mystère de cette brève existence est que cette jeune fille à l’éducation négligée ait pu, sous l’influence divine, développer en peu de temps une théologie, en particulier trinitaire, résumée dans sa célèbre prière, « Ô mon Dieu, Trinité que j’adore », d’une profondeur et d’une sûreté inégalées.

L’autre secret d’Élisabeth est d’avoir été, en ces débuts du XXe siècle, à sa manière, l’une des messagères de l’amour miséricordieux du Dieu qui nous a « trop aimés ». « Laisse-toi aimer! » dit-elle de la part du Christ à sa prieure, Mère Germaine de Jésus, qui n’a pas expérimenté cette voie d’abandon sans laquelle rien n’est possible. C’est par ce biais que l’âme chrétienne, et pas seulement celle des consacrés, peut se laisser conformer à l’image du Christ et le rayonner à son tour. N’est-ce pas ce dont notre monde a le plus cruellement besoin ? (Anne Bernet)

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