«Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait». Ces mots de Notre Seigneur Jésus-Christ, écrit la postulatrice de la cause de béatification du prof. Lejeune, «expliquent, effectivement, toute la vie de Jérôme». Dans une biographie saisissante, Aude Dugast, philosophe de formation, postulatrice depuis 2012 et vice-postulatrice de l’enquête diocésaine de 2007 à 2012, a travaillé onze ans à consulter des milliers d’archives, longuement rencontré Birthe Lejeune, premier et indispensable soutien de son époux, ses proches, beaucoup de familles de patients et de collaborateurs français et étrangers (Jérôme Lejeune. La liberté du savant, Artège, Paris 2019, 473 pages, 22 euros).
Pionnier de la génétique moderne, ébloui par la beauté de chaque vie humaine, le professeur Lejeune a marqué l’histoire en prenant la défense des sans-voix. Suivant sa conscience de médecin fidèle au serment d’Hippocrate et de chrétien fidèle à son baptême, il a montré comment la science et la foi se font grandir mutuellement. «Jérôme ne cherche pas à se substituer à Dieu, ni dans le soin qu’il donne à ses patients ni dans la recherche du traitement. Il fait autant que ses forces le lui permettent, avec une modestie proche de celle d’Ambroise Paré qui déclarait: “Je panse, Dieu guérit”. En tant que scientifique chrétien il reconnaît que “le ciel n’est pas vide”, que “la vie n’est pas un simple produit des lois et des causalités de la matière”, et qu’il y a au-dessus de tout “un Esprit qui, en Jésus, s’est révélé comme Amour”, ce qui le conduit, comme médecin, à ne pas chercher le salut de l’homme dans la science, mais en Dieu» (p. 352).
Son histoire est celle d’un homme qui est resté profondément libre malgré les honneurs reçus dans le monde entier puis les attaques violentes dont il a été l’objet. Son refus d’une politique de santé publique basée sur l’avortement provoque son isolement dans l’université, la perte de son rôle en tant que chercheur, la perte des fonds, de ses collègues… Mais rien ne l’arrête. Le 5 juin 1980 il écrit au Pape Jean-Paul II: «une société qui tues ses enfants a perdu à la fois son âme et son espérance». Et en 1988, quand surgit en France la menace de la pilule abortive RU486, il s’y oppose avec fermeté et à un journaliste qui l’interviewait, il répond: «en tant que médecin, je me bats du côté de la vie et pas du côté de la mort (…) la pilule abortive tuant des enfants, elle est mauvaise comme tout avortement. Ce que je souhaite de tout cœur, c’est que la guerre chimique n’ait pas lieu. Car il s’agit d’un produit très curieux, vous savez, qui a un toxicité spécifique pour les êtres humains qui ont un certain stade de développement. C’est d’ailleurs pour cela qu’il n’attaque pas la santé de la mère, mais qu’il empêche l’enfant de survivre. C’est très exactement un toxique spécifique, je dirais que c’est le premier pesticide antihumain. Et en tant que médecin, je ne peux accepter un pesticide antihumain» (p. 394).
Sa mission lui était bien claire, en tant que médecin, époux, père de famille. L’héroicité de ses vertus se manifestait dans la vie de tous les jours et souvent sans évidence pour ceux qui lui étaient proches. Parmi les vertus, ferme était son espérance, même quand autour de lui semblait s’imposer la culture de la mort: «On dit que l’avortement est entré dans les mœurs et qu’on n’y peut plus rien (…) Mais le changement peut se produire dans l’autre sens et même sans jouer au prophète on peut être certain qu’il se produira. La santé par la mort est un triomphe dérisoire. C’est la vie qui seule peut gagner» (p. 393). (Veronica Rasponi)