« L’esprit catholique diminuera rapidement, la lumière précieuse de la foi s’éteindra dans les âmes en raison de la corruption presque totale des mœurs. […] Dans le suprême moment de besoin de l’Eglise, ceux qui devraient parler resteront en silence ! […] A la fin du XIX siècle et pour la plus grande partie du XX, foisonneront divers hérésies, et, sous leur puissance, la lumière précieuse de la foi s’éteindra dans les âmes […] », cela a été dit par la Vierge à la Mère Mariana de Jesus Torres le 2 février 1634, à Quito (Equateur), quand la lampe du sanctuaire s’éteignît, laissant dans l’obscurité la chapelle du couvent de l’Immaculée Conception (les apparitions de Quito sont reconnues par l’Eglise).
Cependant, comme sainte Marie Madeleine et saint Jean sont restés toujours à coté de Jésus, ainsi il existe des amis intimes de Dieu qui restent comme des veilleurs fidèles, fermes et incorruptibles, auprès du tabernacle. Parmi ceux-ci, il y a certainement la merveilleuse figure du Père Roger-Thomas Calmel O.P. (1914-1975), un prêtre avec une solide formation thomiste, qui a laissé un enseignement extraordinaire de fermeté dans la foi et de vive compréhension des problèmes survenus dans l’Eglise suite aux idées illuministes, qui ont trouvé un terrain fertile à l’occasion des travaux du concile Vatican II.
Avec lucidité et clairvoyance, illuminé par une vie intense de prières et de grâce, il a su expliquer les dynamiques révolutionnaires qui ont leur origine dans le libéralisme, qui conduisent à construire une « Eglise-mirage » dans la tentative « œcuménique » de réaliser l’unité religieuse du genre humain, dispensée de renoncer au monde et à Satan ( comme, au contraire, l’enseigne Jésus), et invitée à vivre dans la liberté et la fraternité universelle.
Le Père Calmel explique comment à un moment de l’Histoire de l’Eglise, s’est fait sentir le besoin « d’un renouveau biblique, ou liturgique, ou missionnaire, ou “laïque”, que ce renouveau soit dans l’air, voyez comment la révolution va s’y prendre pour le circonvenir, le capter, le falsifier.
On commence par écarter les chrétiens traditionnels et vivants qui allaient faire fleurir le renouveau dans la fidélité à la Tradition de l’Église; on met en place des révolutionnaires qui veulent le ressourcement contre la Tradition et l’Évangile contre l’Église; petit à petit on enseigne au peuple chrétien, affreusement dupé, à lire l’Écriture contre la théologie traditionnelle, à célébrer la liturgie contre l’adoration et le recueillement, à magnifier le mariage contre la virginité consacrée, à exalter la pauvreté évangélique contre la propriété privée, à devenir apôtre des incroyants en faisant abstraction de la foi et du baptême. Ce détournement incroyable, cet art de confisquer pour fausser est tout à fait essentiel à la révolution » (P. Jean-Dominique, Le père Roger-Thomas Calmel, Clovis, Suresnes 2012, p. 314).
Le Père Calmel qui n’a pas trahi et qui est resté au pied du Calvaire, sans s’embarquer vers d’autres horizons mondains plus attrayants (mais justement pour cela déprimants), réussit à réaliser une étude philosophique et théologique pétrie de réalisme et de mysticisme, avec un regard sur le futur : ce que nous vivons aujourd’hui lui le prophétisa. Il affirma qu’avec le concile Vatican II qui ne condamna aucune erreur, « l’erreur se donna libre carrière » (p. 318). « Pour l’amour de Jésus » il ne s’est pas fait entrainer par les courants nouveaux, très conscient que « nous serons de plus en plus isolés » (p. 318). Son exemple, sa cohérence spirituelle et intellectuelle, en ces temps de désorientation et de trouble religieux et morale, donnent cet enthousiasme et cette vigueur, qui reconduisent directement à saint Paul de Tarse.
Dans la Brève apologie de l’Eglise de toujours (Difralivre, 1987), l’auteur, qui a écrit aussi une magnifique Théologie de l’Histoire (D.M.M., 1984), rappelle ce que sainte Thérèse de Lisieux affirma sur son lit d’agonie : « Je voudrais vivre au temps de l’Antéchrist » (p. 144) pour pouvoir combattre pour la vérité, cette vérité qui est, chaque jour, toujours plus étouffée. Merci aux maîtres comme le Père Dominicain Roger-Thomas Calmel, dont les enseignements sont solides comme le rocher et dont la prédication est un refuge ; le tabernacle continue d’être adoré, même dans les ténèbres. (Cristina Siccardi)