Turquie: rêves néo-ottomans

Kadri Ecvet Tezcan
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Kadri Ecvet TezcanLe ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a insisté à plusieurs reprises que l’attaque de la flottille turque au large des côtes de Gaza était comme un « 11 septembre turc » (“Washington Post”, 5 décembre 2010). « Je ne parle pas du nombre, précisa-t-il, mais du choc psychologique en Turquie même. Nos citoyens ont été tués par une armée étrangère ».

En réalité, c’est loin d’être aussi simple. Les Turcs abattus lors de l’attaque n’étaient pas des civils innocents mais des activistes qui cherchaient la confrontation. Ils n’ont pas été tués par des terroristes mais par des soldats professionnels dont les premières balles étaient inoffensives.

La Turquie a beau être un allié américain accueillant des bases militaires essentielles aux opérations en Afganistan et en Iraq, elle a beau être un important acquéreur de matériel militaire américain, il y a de plus en plus de doute qu’elle se conduit en véritable allié. Les huit années de gouvernement du parti islamiste “Justice et Développement” ont considérablement détérioré les relations entre la Turquie et les Etats-Unis : sabotage de la politique américaine en Iran, bonnes relations avec les dictateurs soudanais et syriens, politique agressive vis-à-vis d’Israël, etc. mais tout en comptant sur l’aide américaine contre ses insurgés kurdes…

Davutoglu a été décrit comme « exceptionnellement dangereux» et « hanté par des rêves néo-ottomans » dans les câbles de WikiLeaks. Il a accepté les excuses de Hillary Clinton et a fait semblant de rien. Mais, au même moment, il évoquait le Commonwealth britannique et demanda pourquoi la Turquie ne pourrait pas reprendre la maîtrise de son empire perdu dans les Balkans, le Proche Orient et l’Asie centrale. Un autre membre du parti affirmait que la Turquie voulait « reprendre l’Andalousie et venger la défaite du siège de Vienne en 1683 ».

De ce côté-là, les ambitions turques ne font guère de mystère. Kadri Ecvet Tezcan, l’ambassadeur de Turquie à Vienne, a créé un incident diplomatique entre l’Autriche et la Turquie  en critiquant violemment la politique du ministre autrichien de l’intégration, ainsi que les Autrichiens eux-mêmes, dans une interview parue dans le quotidien autrichien “Die Presse” : « Lorsque des Turcs demandent un logement à Vienne, on les envoie toujours dans les mêmes quartiers. Et en même temps, ils sont accusés de créer des ghettos », a fustigé le diplomate turc qui en a profité pour s’opposer à l’interdiction du foulard islamique en Europe : « Vous n’avez rien à dire là-dessus : tout le monde a le droit de mettre ce qu’il veut sur la tête ! ». Tezcan a ajouté aussi : « Si vous n’êtes pas le bienvenu dans une société et que vous êtes marginalisé constamment, pourquoi voudriez-vous appartenir à cette société ? »

La riposte autrichienne ne s’est pas fait attendre. Le chancelier Werner Faymann a dit que les propos de M. Tezcan faisaient preuve de « manque de professionnalisme et étaient inacceptables ». Le ministre des Finances Josef Pröll a déclaré qu’il est totalement inacceptable pour un diplomate de commenter les politiques nationales du pays hôte ; le ministre de l’Intérieur Maria Fekter, qui a été attaquée verbalement, a parlé d’un dérapage « incroyable qui est indigne d’un diplomate ». Le BZÖ (Alliance pour l’avenir de l’Autriche) a demandé la fin des pourparlers d’adhésion de la Turquie dans l’UE, tandis que FPÖ a demandé la suspension des relations diplomatiques avec la Turquie. (C. B. C.)

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