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UE : UKIP ou le défi britannique

UKIP Leader Nigel Farage Campaigning In South Shields
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UKIP Leader Nigel Farage Campaigning In South ShieldsDans une revue des mouvements populistes défiant l’Union européenne, on ne peut manquer le United Kingdom Independance Party (UKIP) de Nigel Farage. Peut-être protestera-t-il d’être assimilé au populisme européen tel qu’il se développe sur le continent. UKIP est, forcément, très British et, de ce fait, il assume une série de paradoxes.

Le premier d’entre eux et non des moindres est que le parti doit son succès national au fait d’avoir dénoncé l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne et non à un thème national en particulier. Le ténor de UKIP, Nigel Farage, est un député européen, non un membre du Parlement britannique. UKIP doit donc son succès, en grande partie, à l’UE qui lui a fourni le thème et la chaire…

Nigel Farage qui aime dire qu’il a lui aussi exercé un « vrai métier » avant de devenir député, est un grand orateur. Ses interventions au Parlement européen font les délices des eurosceptiques. Il est brillant, convaincant, bien informé et toujours d’une mise impeccable. UKIP a été fondé en 1993 et compte actuellement 30 000 membres. Il possède 9 sièges au Parlement européen et 3 à la Chambre des Lords. Aux élections de 2013, il a fait une forte avancée au niveau municipal, se positionnant comme troisième parti de Grande-Bretagne.

UKIP est tout d’abord un parti libéral dans le sens classique du terme. Il fait son lit sur les thèmes économiques, fiscaux et financiers qui restent les thèmes favoris de Nigel Farage, ceux sur lesquels il est le mieux documenté et le plus crédible. C’est aussi cette attache à un authentique libéralisme à l’anglo-saxonne qui le distingue le plus des mouvements populistes d’Europe continentale. UKIP est aussi un parti euro-sceptique qui demande le retrait de la Grande-Bretagne de l’UE. Farage est très incisif sur ce thème et il délivre régulièrement une critique particulièrement pertinente des principes comme des travers de l’UE.

Il s’est opposé avec brio à tout élargissement de l’Union ; il dénonce les dérives oligarchiques et ploutocratiques ; il rejette les différents renflouements qui ont eu lieu l’année passée ; il met en lumière les nombreux déficits démocratiques dont l’Union européenne est responsable (en particulier les dénégations de référendums) ; il remet à leur place Barroso, Van Rompuy, Ashton et Schulz ; il critique la monnaie unique ; il rejette le principe comme les formes d’une structure supranationale qui dépouille des Etats souverains de leur indépendance et de leur liberté.

Cette critique fournie et abondamment argumentée de l’UE a cependant tendance à se limiter au domaine économique, dans la ligne des principes fondamentaux du parti, ce qui tend vers une « lecture unique » des problèmes en présence. Cela explique que UKIP ait mis du temps à définir sa position en matière d’immigration ou d’union homosexuelle. Les partis à thème unique ou prédominant ont l’avantage d’exposer une solution simple aux questions de société, de pouvoir la développer et la défendre de façon convaincante. Mais cet avantage est aussi une faiblesse.

Pour Nigel Farage, la plupart des maux dont souffre la Grande-Bretagne sont dus à son appartenance à l’UE. Il croit qu’elle ne peut librement appliquer les solutions qui s’imposent parce qu’elle se trouve prisonnière du carcan européen. Il considère qu’une démocratie nationale est un système représentatif valable tandis qu’une démocratie supranationale ne l’est pas. Cette dernière est donc incapable de résoudre ses problèmes internes comme ceux des Etats-nations qui la composent.

Cette vue est simpliste et Farage devrait savoir que les démocraties nationales sont tout aussi malades et inaptes à servir le bien commun que l’Union européenne. Les dérives oligarchiques y sont tout autant à l’œuvre, même si elles sont plus visibles au niveau européen puisqu’en réalité l’UE n’est que cela. Cette lecture unique est une faiblesse de UKIP car les électeurs britanniques peuvent voir, comme tous les autres électeurs européens, à quel point ils sont trahis par leurs politiciens nationaux. Ils ne comprennent pas dès lors pourquoi se débarrasser de l’excroissance eurocratique résoudrait tous les problèmes. Farage ne l’explique d’ailleurs pas. De plus, si UKIP atteint son objectif et obtient le retrait de la Grande-Bretagne de l’UE, il se saborde lui-même en perdant sa raison d’être. Ce nouveau paradoxe a été identifié par le parti qui diversifie dorénavant ses thèmes, surtout depuis qu’il commence à avoir une assise plus large au niveau local.

Nigel Farage s’est signalé par quelques dérapages oratoires, en particulier les insultes qu’il a adressées à Van Rompuy et qui lui ont valu une amende. Il ne manque pas non plus une occasion de montrer combien il méprise la Belgique, alors qu’il devrait savoir que cela ne le rendra pas plus populaire – pas même en Grande-Bretagne – et ne sert qu’à démontrer sa méconnaissance de ce pays. UKIP fait-il peur à l’eurocratie ? Sans aucun doute.

Malgré le mépris que lui servent régulièrement Barroso et Van Rompuy, en feignant de ne jamais écouter ses interventions et en n’y répondant jamais, un succès électoral de UKIP aurait des implications immédiates sur le fonctionnement politique de l’Union européenne et l’attitude de la Grande-Bretagne à son égard. Jusqu’ici Farage s’est rallié de nombreux partisans, tandis que ses adversaires n’ont fait qu’accumuler les sujets de déception. (Christophe Buffin de Chosal)

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