Église catholique : les catacombes de Priscilla, l’un des lieux les plus joyeux de Rome

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«Vous entrez dans l’un des lieux les plus joyeux de Rome !». Le visiteur est surpris : auprès des tombes, il pensait trouver la tristesse, le deuil, mais c’est tout le contraire qui va se dévoiler à ses yeux. Ces galeries souterraines sont bien plus que de simples sépultures : elles nous apportent un témoignage historique unique, puisqu’il s’agit du seul lieu des premiers siècles de l’Église à Rome qui soit resté quasiment intact, mais elles nous offrent surtout un magnifique et puissant témoignage de foi.

La catacombe de Priscilla, creusée entre le IIème et le Vème siècle, est surnommée la “reine des catacombes” : sans nul doute car, outre son extension de près de 13 kilomètres de galeries, c’est bien l’un des lieux les plus riches en décorations murales, expression du message chrétien. Un véritable trésor, insoupçonné !

Si l’on considère le climat social de l’époque, lorsque les chrétiens étaient poursuivis, dénoncés, mouraient dans des conditions d’extrême violence : déchirés par la dent des lions, décapités, crucifiés, brûlés vifs etc… l’on pourrait s’attendre à trouver dans les catacombes des fresques dépressives, exprimant l’angoisse et la souffrance. On n’y voit rien de tout cela, mais bien au contraire : les fresques expriment la paix, la sérénité et la joie de l’Espérance chrétienne.  Elles sont marquées d’une empreinte surnaturelle extraordinaire ! Comme l’arbre du palmier, symbole du martyre, qui peut se dessécher en apparence, mais dont la sève coule toujours en profondeur, au cœur de son tronc, ainsi le chrétien, profondément ancré en Dieu, ne meurt jamais, mais continue à vivre de la vie surnaturelle, pour l’éternité. «Je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en Moi vivra, quand même il serait mort» (Jean 11,25). Dans les catacombes, on entre littéralement dans la vie, comme le dira plus tard Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : «Je ne meurs pas, j’entre dans la Vie».

Les fresques peintes sur les tombes au moment de la sépulture des défunts, nous montrent une force qui dépasse la nature, une force “sur-naturelle”. Depuis près de dix-sept ans que j’accompagne les visiteurs dans cette visite si émouvante, je peux attester que tous, même ceux qui n’ont pas la foi, sont émus et touchés par cette visite. Elle fait émerger des questions si fondamentales qui nous concernent tous : la vie, la mort, le sens de l’existence et la conscience qu’un jour ou l’autre nous atteindrons nous aussi la fin de notre parcours terrestre. Tandis que les païens n’avaient aucune certitude d’une vie au-delà de la mort, dans l’optique chrétienne, tout s’éclaire et le message est littéralement rayonnant. Le nom du lieu de sépulture change : on ne parle plus de “nécropole” (cité des morts), mais de “cimetière”. La plupart ne le soupçonne pas, mais lorsque l’on prononce le mot “cimetière”, on a déjà implicitement affirmé sa foi dans la vie éternelle car le mot latin “coemeterium” désigne bien “le lieu du repos”. On emploie encore aujourd’hui l’expression “RIP”, qui signifie “requiescat in pace”, “qu’il repose en paix”. La vie sur terre n’est qu’un pèlerinage vers le repos éternel. Le chrétien a cette profonde certitude que dans l’au-delà l’attend la véritable vie et c’est ainsi que le jour de la mort, que les païens considéraient comme funeste, devient pour les chrétiens le “dies Natalis”, ce jour de la naissance à la vraie vie, à la vision béatifique, ce jour qui, encore aujourd’hui, marque la fête des saints dans nos calendriers. Nous entrons dans un lieu marqué par la joie et l’Espérance que seule peut donner la Foi capable de transcender la nature. En entrant, nous découvrons une première chambre décorée, le “cubiculum” de la Velatio : tous les termes employés sont ceux du registre du repos. Ainsi la chapelle de famille porte le nom de la chambre à coucher de la domus, employé aussi pour le repos dans la mort. Les scènes évoquées expriment le salut. Nous admirons les scènes de l’Ancien Testament où Dieu est intervenu pour sauver Jonas, Isaac, les trois hébreux dans la fournaise ardente, par l’intermédiaire d’un ange ou encore par la petite colombe tenant en son bec le rameau d’olivier, symbole de la délivrance du déluge, délivrance des eaux du péché. Puis, sur la voûte, le Bon Pasteur, la figure la plus représentée dans les catacombes et qui en est devenu l’emblème de la Commission Pontificale d’Archéologie chrétienne. C’est bien le Bon Pasteur qui nous sauve, mais s’il est allé cherché la brebis, cette dernière doit accepter de monter sur ses épaules. Et là se dévoile sous nos yeux le sens de notre condition humaine, du péché, du mouvement libre de la contrition et de la miséricorde divine qui accueille le pécheur repentant. Sur les murs du cubiculum de la Velatio est écrite l’histoire du Salut, une histoire qui concerne la défunte ici représentée et toute sa famille ensevelie à ses côtés, mais qui, à travers elle, nous concerne tous. On admire la jeune femme représentée en orante, les mains levées vers le ciel pour offrir sa prière à Dieu et ouvertes pour recevoir ses grâces, dans un sublime échange avec son Créateur et Sauveur. Nous voyons ainsi l’âme défunte dans l’unique action que nous aurons au paradis : la contemplation de Dieu qui nous comblera pleinement. Plus loin dans la galerie, les chrétiens ont gravé une ancre sur l’une des pierres de fermeture des loculi (tombes creusées dans la paroi) : c’est l’ancre de l’Espérance. Quand on arrive au bon port du paradis, c’est bien notre destination finale : on jette l’ancre et on y reste pour l’éternité !

On découvre ensuite avec émerveillement la première représentation de la Vierge à l’Enfant. Notre vie éternelle commence sur terre par notre parcours de foi et les premiers chrétiens nous en montrent les principaux piliers : la dévotion mariale par cette fresque si émouvante et l’importance fondamentale des sacrements, représentés dans la chapelle grecque : les eaux que Moïse fait jaillir du rocher symbolisant les eaux du baptême, et la représentation d’une cène : le sacrement de l’Eucharistie.

Une merveilleuse leçon de vie : simple, claire, lumineuse, magnifiquement représentée dans ces fresques encore si fraîches malgré les siècles. De ces chrétiens dont bon nombre sont morts martyrs, nous ne connaissons pas tous les noms, même si la plupart sont inscrits dans les registres de l’époque et sur les pierres tombales. Des papes y furent enterrés, et non des moindres, puisqu’il s’agit de Saint Sylvestre, le pape qui consacra les 2 grandes basiliques de Saint Jean-de-Latran et de Saint-Pierre et du pape Libère qui consacra la plus grande basilique édifiée en l’honneur de la Madone, sainte Marie-Majeure. D’autres tombes ont été identifiées au cours des siècles et c’est ainsi que l’on découvrit une sainte martyre jusqu’alors totalement méconnue, la petite sainte Philomène, une adolescente qui devait avoir entre 12 et 15 ans lorsqu’elle fut exécutée, comme l’a révélé l’étude de ses ossements. Elle nous permet de mieux comprendre deux points essentiels pour les catholiques d’aujourd’hui : la force du surnaturel et la communion des saints.

La force du surnaturel car cette sainte ne s’est manifestée qu’en 1802, lors de la découverte de sa tombe et n’est connue que par des faits surnaturels : révélations et miracles. Révélations de sa vie au saint Curé d’Ars et à une religieuse de Naples et profusion de miracles, guérisons et conversions encore aujourd’hui. Si petite, en apparence si faible, elle a cette force de la foi qui voit bien au-delà de nos certitudes humaines. Un aspect fondamental pour notre époque sceptique qui voudrait ne mettre sa confiance que dans la science et les moyens humains.

Elle nous apprend l’importance de la communion des saints. En effet, la Providence a voulu que cette petite Philomène ne soit connue que près de 17 siècles après sa sépulture. Il n’y a pas de temps en Dieu, puisqu’Il est Eternel, et la vie surnaturelle à laquelle nous participons dès ici-bas, fait des saints, en quelque sorte, nos contemporains ! C’est un fait, nous leur parlons et ils intercèdent : à toutes les époques, la vie des saints nous en donne de nombreux exemples. Nous en avons aussi un témoignage touchant dans une fresque de la catacombe de sainte Domitille, sur la via Ardeatina à Rome, qui nous confirme l’importance que les premiers chrétiens y accordait : nous voyons Veneranda, défunte du IVème siècle, introduite au paradis par sainte Pétronille, qui l’attendait dans la vision béatifique depuis le Ier siècle. Les catacombes sont un trésor unique pour redécouvrir et approfondir toujours davantage notre vie en Dieu, dans l’attente de jeter l’ancre pour le contempler à jamais. (Marie Perrin, sur Radici Cristiane n. 160)

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