La grande force de Donald J. Trump dans sa course à la présidence des Etats-Unis est d’avoir financé sa campagne avec ses fonds propres. Là où tous les autres candidats qu’ils soient démocrates ou républicains ont reçu des dons importants de grosses sociétés, de lobbies ou de personnalités influentes, Trump n’y a mis que son argent.
Bien sûr il a aussi reçu des dons, mais il s’agit de sommes modestes qui ne le rendent pas dépendant. Pour les autres candidats, c’est tout différent : si l’on pouvait faire la liste exhaustive de tous les dons importants qu’ils ont reçus, on aurait aussi un aperçu de la politique qu’ils suivront une fois élus. C’est l’indépendance de Trump ou, si l’on préfère, l’impossibilité de le contrôler qui a déclenché tant d’agressivité chez ses opposants. Trump passe pour le candidat « anti-establishment » et il est possible qu’il le soit vraiment.
Cependant, lors d’un Fox News Debate (16 mars 2016), Donald Trump était interrogé sur les personnes dont il s’entourerait en matière de politique extérieure et de sécurité nationale. Il répondit: « Je pense que Richard Haass est excellent et j’ai beaucoup de respect pour lui ». Il n’est pas sûr que cette réponse fasse la joie de ses partisans. Richard Haass est le président du Council on Foreign Relations depuis juillet 2003.
Il a été le directeur du Policy Planning du Département d’Etat américain et un proche conseiller du Secrétaire d’Etat Colin Powell. Haass n’est pas un interventionniste à tout crin mais il pense que les Etats-Unis doivent intervenir au cas par cas. Il était pour le fait d’armer l’opposition à Assad en Syrie. Ce que l’on sait de lui en matière de politique étrangère américaine est déjà en opposition avec ce que Trump a proposé de faire.
Le Council on Foreign Relations (CFR) est un bureau d’étude permanent ou un club qui s’est donné pour vocation de conseiller les présidents des Etats-Unis sur leur politique étrangère. Ce n’est pas un petit « thinktank » passager. C’est une institution aux Etats-Unis. Fondé en 1921, le CFR est établi à New York et compte près de 4 000 membres. « Il publie cinq fois par an un magazine, réunit en permanence une vingtaine de groupes d’étude, patronne d’innombrables dîners-débats, coiffe des comités dans une quarantaine de grandes villes, (…). Il a investi les gros médias, les grandes universités (Harvard, Stanford, Columbia, notamment), les riches fondations, les entreprises multinationales, les banques et l’armée. Il a noyauté toutes les administrations depuis celle de Franklin Roosevelt. Il se tient derrière la scène, jamais devant » (Ph. Vermont, L’Amérique assassinée, Editions de Paris, 2004, p. 38).
Depuis 1960, la quasi totalité des candidats à la Maison Blanche ont été membres du CFR. Seuls Ronald Reagan et George W. Bush n’en étaient pas, mais ils étaient entourés de membres du CFR. George Bush (père) était membre de la franc-maçonnerie, de la Commission trilatérale et du CFR dont il fut le directeur de 1977 à 1979. Depuis la Deuxième Guerre mondiale tous les présidents des Etats-Unis ont été marqués par au moins l’une des trois affiliations (à l’exception de Reagan et Bush fils). Hillary Clinton, Rice, McCain, Romney, Giuliani, Cheney, pour n’en citer que quelques-uns, sont membres du CFR.
Il faut aussi noter que le CFR se caractérise par une forte présence juive : Richard Haas est juif et 55% du bureau directeur du CFR est composé de juifs, ce qui laisse peu d’hésitation sur l’orientation de la politique extérieure recommandée par cette institution. Le CFR a des ramifications partout de sorte qu’il se présente comme la quintessence de l’establishment américain. Il est aux relations extérieures ce que la Federal Reserve est aux finances publiques. Il est difficile de se dire « anti-establishment » si l’on se rapproche du CFR, encore moins si on y choisit ses conseillers.
Trump a-t-il cité Richard Haass pour amadouer le CFR et faire croire qu’il se laissera circonvenir par des conseillers choisis parmi ses membres ? Ou bien n’est-il pas aussi indépendant qu’il l’a clamé dans tous ses meetings ? Les grands axes de la politique étrangère de Trump (rapprochement avec la Russie, pas de parti-pris entre Israël et la Palestine, moins d’interventionnisme dans le monde et priorité à l’intérêt national) sont-ils compatibles avec ceux du CFR qui, jusqu’à présent, ont été dans le sens inverse ? (Christophe Buffin de Chosal)