En dépit des appels à la raison et la pitié, en dépit des efforts juridiques déployés tous azimuts par les avocats des parents de Vincent Lambert dans l’espoir d’empêcher l’implacable mise en œuvre de l’arrêt de la cour européenne des droits de l’homme autorisant le CHU de Reims à laisser mourir de faim et de soif son jeune patient en état pauci relationnel à la suite d’un accident de la route, tout, en cette mi-juillet, semblait perdu.
Les médias, partisans officiels et acharnés de cette peine de mort appliquée aux grands handicapés qui ne dit pas son nom, se félicitaient que force reste à la loi et au refus de « l’acharnement thérapeutique ». Les recours interjetés par les avocats des Lambert avaient tour à tour échoué. Les médecins en charge du dossier faisaient part de leur volonté de mettre un terme rapide à l’affaire, et à la vie de leur patient, ce avant même de s’être entretenus une dernière fois avec les parents du jeune homme.
C’est alors que l’inattendu s’est produit. Ce 25 juillet, alors que les défenseurs de la Vie, toujours mobilisés, ne savaient plus quoi tenter pour sauver Vincent dont l’exécution était une affaire d’heures, le docteur Daniela Simon et les autres médecins du CHU de Reims ont annoncé qu’ils renonçaient, « faute d’un climat de sérénité » et en raison de la médiatisation extrême de l’affaire, largement sortie désormais du cercle d’une famille déchirée, à entreprendre « la procédure de fin de vie ».
Pour justifier cette reculade inespérée, l’équipe médicale a fait état, sans apporter aucune preuve de ses assertions, d’un prétendu « complot de fanatiques intégristes » visant à faire évader Vincent, – toujours cloué sur son lit et prisonnier de sa chambre d’hôpital plus surveillée qu’un quartier de haute sécurité … –, de menaces d’enlèvement, de séquestration, voire de mort, à l’encontre des médecins concernés et leurs familles.
Le neveu de Vincent, acharné à faire périr son jeune oncle, Rachel, son épouse, se sont dit tous deux « effondrés » de cette décision, regardée comme une « victoire de l’intégrisme ».
En fait, les véritables causes de ce recul ne sont évidemment pas à chercher du côté d’un complot fantasmatique de catholiques de plus en plus identifiés par les journalistes et une opinion manipulée à des terroristes sanguinaires façon Daesh, mais dans un événement survenu quelques heures plus tôt : la prise de position courageuse et ferme d’un certain nombre d’évêques français qui, sortant du silence, ont exprimé officiellement, seuls ou en groupe, leur opposition à l’assassinat légal de Vincent pour crime de handicap lourd.
Il ne fait aucun doute que ces déclarations, passées sous silence par les grands médias, ont cependant atteint leur véritable destinataire, à savoir le pouvoir socialiste. Lorsque le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon et primat des Gaules, soutenu par l’ensemble de ses suffragants et des évêques de la région Rhône-Alpes et de Provence, a affirmé que l’on ne pouvait laisser mourir ainsi « notre frère Vincent », lorsque Mgr Aillet, évêque de Bayonne, a dénoncé un « retour à la peine de mort », lorsque Mgr Scherrer, évêque de Laval, a publié un communiqué argumenté exprimant ses « inquiétudes » face aux dérives de notre société, l’on a fait en sorte que leurs voix n’alarment pas le grand public mais on a compris, en hauts lieux, que la mise à mort de Vincent entraînerait, pour la première fois depuis quarante ans et la législation sur l’avortement, une riposte de la part de l’épiscopat français. Certes, au nom de la conférence épiscopale française, son porte-parole, Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes, a aussitôt appelé à la « discrétion » et presque désavoué ces initiatives personnelles mais le message était passé.
Ces déclarations de pasteurs authentiques, courageux et déterminés, ont rappelé que les catholiques constituaient encore une force, comme l’avaient prouvé les manifestations contre « le mariage » homosexuel, et qu’il serait malencontreux, à dix-huit mois des élections présidentielles, d’aller à l’affrontement. Voilà, à n’en pas douter, la vraie raison de la dérobade du CHU de Reims. Reste, maintenant, pour mettre un terme à cette douloureuse affaire, à obtenir, comme ses parents n’ont cessé de le demander, le transfert de Vincent à leur domicile, ou dans une structure médicale appropriée à son cas. Cette bataille juridique-là n’est pas encore gagnée mais elle peut l’être.
La culture de mort n’aura pas le dernier mot. (Anne Bernet)