France : la défaite de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy
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Comme prévu, Nicolas Sarkozy a été battu lors du second tour des élections présidentielles. Les enquêtes d’opinion unanimes soulignaient depuis longtemps déjà la détestation accumulée par le président sortant dans une partie importante de la population française, rejet qui rendait très improbable sa réélection. Malgré tout, au terme d’une campagne énergique, Nicolas Sarkozy a réussi à obtenir un résultat relativement honorable : 36,5% des inscrits contre 39,1% à son adversaire socialiste François Hollande, qui est l’un des présidents les moins bien élus de la Ve République.

François Hollande a obtenu ses meilleurs résultats dans le Limousin, l’Auvergne, le Midi cathare et la Bretagne, ainsi que dans les grandes villes. Nicolas Sarkozy a obtenu ses meilleurs résultats en Alsace, sur la Côte d’Azur et en Champagne, ce qui tendrait à attester d’importants reports du F.N. en sa faveur.

Ce résultat est moins la victoire de François Hollande que la défaite de Nicolas Sarkozy. Celui-ci a payé les graves erreurs de comportement du commencement de son mandat ainsi que les promesses faites en 2007 et non tenues au cours de son mandat. Le président sortant a obtenu 16,8 millions de suffrages alors que le total des votes de la droite et du centre atteignait au soir du 1er tour un peu plus de 20 millions de suffrages. Les 3,3 millions d’électeurs de droite qui ont boudé Nicolas Sarkozy, auxquels s’ajoutent les quelques centaines de milliers d’électeurs conservateurs qui, dès le premier tour, ont refusé de choisir, constituent pour la nouvelle opposition une réserve de voix potentielle pour les législatives.

Si la participation a été relativement élevée (80,3 %), le nombre de bulletins blancs et nuls n’a jamais été aussi important : 2,1 millions contre 700 000 au 1er tour. Nombre d’électeurs ont ainsi manifesté le rejet des deux candidats en présence, électeurs centristes pour une part, électeurs du Front national pour une autre, électeurs de la droite catholique refusant de transiger avec les valeurs non négociables, pour les derniers. Le volume élevé des bulletins blancs fait que F. Hollande, comme Jacques Chirac en 1995, a été élu par moins de la moitié des votants.

A peine terminée la campagne présidentielle a commencé la campagne législative. Le premier tour pour l’élection des députés a lieu le 10 juin (jour où nous bouclons ce numéro de “Correspondance européenne”) et le deuxième tour le 17 juin prochain. Son résultat est très incertain. Trois scénarios peuvent se dessiner. La gauche peut espérer, comme en 1981, bénéficier de la démobilisation de la droite pour obtenir la majorité. A l’inverse, la droite peut bénéficier à cette occasion du renfort d’électeurs qui n’ont pas voulu voter pour N. Sarkozy le 6 mai mais pourraient voter pour leur député sortant de droite ; cette situation permettrait à la droite de conserver la majorité et d’imposer une cohabitation au nouveau président.

En 1988, F. Mitterrand, brillamment réélu face à J. Chirac alors que la droite était majoritaire au 1er tour des présidentielles, n’avait échappé que d’extrême-justesse à cette situation, n’obtenant aux législatives qu’une majorité relative tenant à une quinzaine de sièges. Restent deux inconnues majeures : 1- Un score élevé du F.N. au 1er tour des législatives peut provoquer un nombre important de triangulaires si l’UMP refuse de conclure des accords de désistement avec le F.N. En 1997, une telle situation avait permis à la gauche, du fait d’une centaine de triangulaire, d’emporter la majorité. Les hémorragies successives qui, depuis 1998, ont éloigné du FN un grand nombre de cadres de valeur rendent cette hypothèse peu probable.

Cependant, à défaut de pouvoir se maintenir dans un grand nombre de circonscriptions, le FN pourrait s’employer à éliminer des personnalités UMP qui ont manifesté leur hostilité à son égard. 2- F. Bayrou, qui a soutenu F. Hollande au 2ème tour, pourrait apporter au nouveau président un appoint décisif et une aide précieuse, permettant la définition d’une majorité de centre-gauche, solution qui serait sans doute très appréciée des milieux internationaux. La composition du premier gouvernement de la nouvelle présidence apportera sans doute une réponse à cette inconnue. D’ores et déjà, l’élargissement éventuel de la majorité présidentielle aux amis de F. Bayrou est, dans l’entourage du président élu, l’occasion de luttes intestines dont l’enjeu est l’hôtel Matignon. (P.P.B.)

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