Samedi 30 janvier, plus d’un million de personnes, 2 millions selon les organisateurs, sont descendues dans la rue à Rome pour le Family Day, manifestation promue par le Comité “Difendiamo i nostri figli” (“Défendons nos enfants”), mobilisant tous les milieux pour la défense de la famille contre le projet de loi sur les unions civiles du gouvernement Renzi, le décret Cirinnà, du nom de la sénatrice qui l’a promu.
Au cœur de la capitale, dans le très vaste espace qu’offre le Cirque Maxime, ont afflué dès les premières heures de la matinée, des dizaines de milliers d’associations, groupes et familles, en provenance de toute l’Italie et de l’étranger, notamment les représentants de la Manif pour tous française, venus manifester leur ferme opposition à la légalisation des unions et des adoptions homosexuelles, prévues par le projet de loi n° 2081. Le neurochirurgien Massimo Gandolfini, porte-parole de l’évènement, a exprimé avec force ce refus du décret : «il n’est pas acceptable du premier au dernier mot, et une opération radicale devient nécessaire. Il ne s’agit pas de changer trois ou quatre mots : le projet de loi doit être intégralement rejeté».
Dans le débat public et la presse, cette extraordinaire mobilisation nationale a été inévitablement mis en parallèle avec une autre grande manifestation, le Family Day de 2007, lancé pour faire tomber le DICO, une institution pour les droits des concubins similaire au PACS proposé par le gouvernement de l’époque du premier ministre Romano Prodi.
Il y a pourtant de profondes différences entre la manifestation du 12 mai 2007 et celle d’aujourd’hui, 30 janvier 2016. En une dizaine d’années, les rapports de force en présence semblent en effet s’être littéralement renversés. Si en 2007, c’était la Conférence Episcopale Italienne (CEI) qui avait appelé les catholiques à descendre dans la rue contre un projet de loi inacceptable, les rôles aujourd’hui se sont paradoxalement inversés et, après la manifestation de la place de Saint Jean-de-Latran le 20 juin 2015, où des milliers de personnes ont protesté contre l’enseignement de la théorie du genre dans les écoles, c’est aujourd’hui le peuple catholique lui-même qui a adressé un vibrant “non possumus” à la hiérarchie ecclésiastique, l’invitant à se joindre à elle.
Un évident et brusque revirement mis en évidence par le journaliste Agostino Giovagnoli qui écrit pour le quotidien La Repubblica, soulignant cet inédit mouvement de la base : « En 2007, sous Benoît XVI, c’est Camillo Ruini, Président de la CEI, qui mena le Family day; les associations de laïcs catholiques étaient tenues de participer; l’orateur de ce jour-là fut Savino Pezzotta qui avait été l’année précédente rapporteur officiel au Congrès national de l’Eglise italienne; l’objectif était de faire tomber le DICO. L’Eglise italienne, en somme, descendit dans la rue, serrant les rangs, au nom de valeurs morales non négociables mais menant une bataille politique. La manifestation du 30 janvier prochain, au contraire, n’a pas été voulue par la CEI et les évêques ont exprimé à son sujet des opinions diverses. Les associations catholiques ne sont pas tenues de participer et de fait certaines seulement seront présentes ».
Plusieurs associations ont mis de côté leurs visions “stratégiques” discordantes quant à la ligne de conduite à tenir pour enrayer le processus révolutionnaire apparemment inéluctable, et se sont unies pour affirmer la valeur fondamentale de l’institution familiale naturelle fondée sur le mariage indissoluble entre un homme et une femme, cellule de base de la formation de l’homme et vitale pour toute société. Parmi celles qui ont exprimé leur adhésion au Family Day, était présente avec ses drapeaux l’association Famiglia Domani, depuis toujours en première ligne pour la défense intégrale de la vérité et de l’ordre naturel et chrétien.
L’association avait spécifié dans son communiqué de presse d’adhésion au Family Day qu’elle ne pouvait pas exclure un NON intégral au projet de loi Cirinnà : « en premier lieu NON aux unions civiles quelles qu’elles soient, et en second lieu NON au “stepchild adoption”». La journée du 30 janvier 2016, à la différence des autres grands rassemblements pour la défense de la famille, passera donc à l’histoire comme une manifestation spontanée partie de la base, à laquelle politiques et autorités ecclésiastiques ont dû nécessairement adhérer sous l’effet de l’enthousiasme et de la poussée “populaire”.
De ce podium inédit du Cirque Maxime, dépourvu de toute représentation politique, on a entendu pour la première fois des discours qu’aucune place n’avait jamais osé prononcer, emblématiquement résumés dans le salut final du porte-parole Massimo Gandolfini qui a conclu au cri de «A nous la bataille, à Dieu la gloire !» (Lupo Glori).