Italie: l’échec obligé du gouvernement Napolitano-Letta

gouvernement Napolitano-Letta
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Si l’on veut éviter à n’importe quel prix le retour aux urnes en Italie, il se peut que le nouvel exécutif soit, comme l’a déclaré le Président de la République Napolitano, « le seul gouvernement possible ». D’ailleurs, l’échec de ce gouvernement, malgré le grand consentement parlementaire et médiatique qui le soutient, semble plus que possible, certain. La première raison de cet échec obligé est politique.

 Le gouvernement Napolitano-Letta s’inspire de la même philosophie que celui de Napolitano-Monti qui l’a précédé et il ne peut que connaître une débâcle analogue. Le premier se présentait comme un gouvernement de techniciens, soutenu par les votes des deux principaux partis d’opposition ; le deuxième est un gouvernement non pas technicien, mais technocratique, dans lequel les deux partis, en s’obligeant à un compromis illégitime, prennent part à la même équipe gouvernementale et suivent le même programme, dicté par la Banque Centrale Européenne et par les gardiens de l’utopie européiste, comme Angela Merkel.

La démocratie représentative est fondée sur le rapport dialectique entre le gouvernement, expression de la majorité des citoyens, et l’opposition, représentant ceux qui ne se reconnaissent pas dans le gouvernement. La tradition représentative occidentale, cependant, ne naît pas avec les démocraties modernes, mais elle est un produit typique du Moyen Age et elle a ses racines dans les rapports politiques et sociaux du système féodal et corporatiste, détruit par la Révolution française. La démocratie des XIXème et XXème siècles, en revanche, a évolué de manière anti-représentative, pour devenir une démocratie totalitaire, qui fait table rase non seulement des principes transcendant la politique, mais aussi des catégories de ”majorité” et d’”opposition” qui devraient constituer l’essence du régime parlementaire.

L’Etat italien, depuis sa naissance en 1861, connut la dégénération du système parlementaire, contre lequel surgit le fascisme, un régime dont la vocation totalitaire fut freinée par la présence institutionnelle de l’Eglise et de la Monarchie. Après la chute du fascisme, se forma, entre 1943 et 1944, un gouvernement d’“unité antifasciste”, fondé sur la transformation d’un fait historique, la Résistance, en un concept métaphysique. Dans les années 1960, le Concile Vatican II fut interprété par beaucoup de monde comme le début de la purification qui aurait dû préluder à la rencontre entre catholiques et communistes.

Au nom de la Résistance et de l’“unité nationale” naquit le projet de Gramsci et Berlinguer de compromis historique, avorté en 1978 à cause de l’enlèvement et de la mort d’Aldo Moro. Le mythe de l’“unité nationale”, cependant, continua à flotter, tandis que les tentatives suivantes de la gauche communiste et postcommuniste de conquérir le pouvoir se brisèrent face à de nouveaux obstacles, à partir de l’entrée en politique de Silvio Berlusconi, en 1994. Depuis ce moment-là, le vrai problème de la gauche italienne n’est pas été celui d’obtenir le gouvernement, mais de réussir à garder le pouvoir. La gauche n’a pas réussi à abattre Berlusconi, ni par voie politique ni par voie judiciaire, mais elle a dû recourir à de pouvoirs “forts” extra et supra-nationaux, intervenus au nom d’une crise économique artificiellement alimenté par eux-mêmes, avant que la situation ne se précipite réellement à cause de la désastreuse politique financière du gouvernement Monti.

 Aux élections de février 2013, Berlusconi a fait son retour sur la scène et 80 % des Italiens se sont exprimés contre le “sauveur de la patrie” Mario Monti, dont le parti Scelta civica n’a obtenu que 10,5 % des votes à la Chambre. La situation de non-gouvernabilité qui en a découlé aurait dû amener des élections anticipées mais certainement pas à la réédition d’un gouvernement de “large entente” qui aujourd’hui englobe ces mêmes forces politiques qui avaient soutenu Mario Monti.

Le gouvernement Napolitano-Letta est une réédition du précédent, dépouillée de quelques erreurs éclatantes telle que l’imposition de l’IMU (l’impôt sur la maison). Enrico Letta suit attentivement les indications de son protecteur Giorgio Napolitano et tous sont soumis au diktat des institutions européennes. Le changement de mot d’ordre, d’”austérité” à “développement”, suit les indications reçues de Bruxelles et de Francfort. Cela est confirmé par la choix comme Premier Ministre d’Enrico Letta, issu de l’aile technocratique de la gauche démocrate-chrétienne et par le fait que le ministère clé de l’Economie et des Finances a été confié à Fabrizio Saccomanni, directeur général de la Banque d’Italie et homme de confiance de la BCE.

 La troisième “icône” de l’exécutif, après Letta et Saccomanni, est Emma Bonino, qui assure, avec sa présence au Ministère des Affaires Etrangères, l’amoralité, encore plus que l’immoralité du nouveau gouvernement. Elle ne proposera pas les “mariages” homosexuels, laissant la tâche aux groupes parlementaires, mais elle sera l’image officielle de l’Italie à l’Etranger : cette Italie laïque et libertaire qui de 1978 à aujourd’hui a tué presque six millions d’enfants, un dixième de sa population, et qui s’est donnée comme mission la désacralisation de tous les principes et les institutions traditionnels sur lesquels, au fil des siècles, s’est construite la nation.

Que les trois “icônes”, Letta, Saccomanni, Bonino, aient plus que quelque chose en commun est confirmé par un communiqué de presse de l’Institut Affaires Internationales (IAI), qui formule « au premier Enrico Letta et aux ministres des Affaires Etrangères Emma Bonino et de l’Economie Fabrizio Saccomanni, tous les trois membres du Conseil directif de l’IAI, le vœu de bon travail de l’Institut, en souhaitant de réussir à interpréter les demandes italiennes et européennes de changement et à renforcer la crédibilité de l’Italie dans l’UE et le processus d’intégration » (http://www.iai.it/index_it.asp).

 L’IAI, fondé en 1965, sur le modèle des think tank anglo-saxons, de l’eurocrate communiste Altiero Spinelli, est la filiale italienne d’institutions mondialistes tel que le Council on Foreign Relations américain. Parmi ses représentants les plus importants, l’ancien gouverneur de la Banque d’Italie Guido Carli, signataire italien, en1992, du Traité de Maastricht, comme Ministre du Trésor dans le septième gouvernement de Giulio Andreotti. Le sauvetage de l’euro et de l’Union Européenne reste un objectif primaire du nouveau gouvernement technocratique Napolitano-Letta, qui afin de survivre a besoin du mythe totalitaire de l’union nationale.

A qui se leurre sur un possible bon résultat de cette recette, il faut rappeler que le bien commun d’une nation est toujours, avant tout, moral et que les nations, comme les hommes, ont une âme qui les soutient. L’Italie, pour renaître sur le plan économique et politique, n’a pas besoin de réduire sa dette, mais de retrouver surtout sa propre identité spirituelle et morale. Il n’y a pas d’autres « émergences » au-delà de celle-ci. (Roberto de Mattei)

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