Ce 21 janvier 2021, le Pape François a reconnu l’héroïcité des vertus du Professeur Jérôme Lejeune. Dès lors, Jérôme Lejeune est officiellement vénérable pour la Sainte Eglise catholique. Ce savant français, réputé dans le monde entier, qui alliait la rigueur scientifique à l’amour inconditionnel du médecin pour ses patients est, sans aucun doute, un grand modèle de laïc scientifique catholique du XXe siècle. En déclarant vénérable cet infatigable défenseur des enfants à naître, ami de Saint Jean-Paul II, l’Eglise offre aux Serviteurs de la vie du monde entier un formidable signe d’espérance !
Il est remarquable que cette annonce tombe quelques jours avant la belle fête de la Chandeleur ! Ce ‘hasard’ de calendrier, inspirant, souligne à mes yeux certaines ressemblances entre le Professeur Jérôme Lejeune et le prêtre Syméon que je suis heureuse de vous proposer ici.
D’abord, comment ne pas voir dans le psaume (Ps. 2), chanté le matin de la Présentation du Seigneur au Temple, un raccourci de nos temps troublés et l’annonce de la Lumière qui se révèle d’abord à Syméon avant de l’être à toutes les nations ? « Pourquoi ce tumulte des nations, ce vain murmure des peuples ? Les rois de la terre se dressent, les grands se liguent entre eux contre le Seigneur et son messie […] Celui qui règne dans les cieux s’en amuse […] Heureux qui trouve en lui son refuge. » Puis comment ne pas voir en saint Syméon la figure d’un homme de foi, humble et sage, qui met sa joie dans l’accueil de l’Enfant et son espérance dans les promesses du Seigneur ? En sachant reconnaître dans l’Enfant du Temple le Messie, il devient celui qui peut annoncer la grande Lumière aux nations. Enfin, comment ne pas voir dans la prophétie de Syméon à la jeune Vierge, mère du Sauveur, l’annonce du lien étroit entre la vie, la vérité et le salut ? L’enfant « sera un signe de contradiction […] ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. »
L’œuvre et la personne du Professeur Lejeune, 2000 ans plus tard, chantent à nouveau, à leur façon, le cantique de Syméon et manifestent la justesse de sa prophétie. D’abord connu pour la découverte de la trisomie 21 et ses autres découvertes génétiques (comme la Maladie du cri du chat), Jérôme Lejeune est devenu en quelques années le généticien de référence pour le monde entier. Ayant révolutionné la génétique en démontrant, pour la première fois dans l’histoire, les causes d’une maladie chromosomique, il est courtisé par la communauté scientifique internationale, qui lui confère les prix les plus prestigieux (Prix Kennedy, Prix Allen Memorial, prix Griffuel, etc.) et il devient membre de nombreuses Académies dans le monde, dont l’Académie dei Lincei et l’Académie pontificale des Sciences. A l’hôpital Necker de Paris, le Professeur Lejeune reçoit plus de 9.000 patients en consultation médicale, et devient une ‘légende’. D’innombrables familles évoquent avec émotion son extraordinaire regard dont la chaleur et la lumière venues d’ailleurs ont réconforté leur cœur endolori par le handicap. Désirant soulager la détresse de ses patients et de leurs parents, il se lance ‘plein cœur, plein temps’ dans la recherche d’un traitement. Le ‘médecin par vocation’ devient ‘chercheur par nécessité’.
Mais plus que chercheur, Jérôme Lejeune est un savant. Il a ce regard contemplatif qui lui fait comprendre le sens profond des choses. Comme témoigne un de ses amis musulmans : « lui avait la connaissance intime des secrets de la vie et il a eu le génie et le mérite très exceptionnel de mettre en acte ses intuitions prophétiques, il en a fait son projet de vie. Il a transcrit ces vérités immémoriales dans la science ultramoderne, dans la grande tradition de la médecine française, au-delà de nos préjugés modernistes et précipités ; il était guidé par une intuition très forte, sans aucune forme idéologique et il est devenu notre guide, il nous fraie un chemin. Il était guidé par l’Esprit de sainteté. Il a incarné l’Évangile, c’est l’Évangile réalisé, accompli. »
De fait, la vie de Jérôme Lejeune, qui voit en chacun de ses malades le visage du Christ souffrant, est guidée par l’appel de l’Évangile : «Une phrase, une seule, dictera notre conduite, le mot même de Jésus : ‘ce que vous avez fait au plus d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait’.» Alors, quand il observe, dans les années 70, les menaces qui pèsent sur ses patients, il pressent avec effroi un ‘nouveau massacre des Innocents’ et prend la parole pour les défendre. Inlassablement il en appelle à la droite raison des médecins et à l’antique serment d’Hippocrate. Catholique fervent, et scientifique de génie, Jérôme Lejeune s’appuie sur son intelligence pour rappeler la vérité sur l’embryon humain et le devoir de toute fraternité humaine. Cette fermeté intellectuelle et l’élan de son amour inconditionnel pour les patients de tout âge et toute maladie, lui valent des inimitiés et des tracas mais elles sont l’espérance des familles qui voient en lui leur meilleur avocat. Jérôme Lejeune est un homme unifié, où l’intelligence et le cœur se répondent harmonieusement. Il ne voit aucune contradiction entre les données de la science et les données de la Foi, au contraire. Les unes et les autres se complètent, dans un même élan de connaissance de la vérité. Son intelligence est au cœur de sa sainteté.
Avec l’intelligence du cœur, Jérôme aime méditer le Prologue de Saint Jean qui inspire sa vie de médecin, savant, chrétien. Tout commence par l’Incarnation du Verbe, et Jérôme sait que ce mystère révélé aux hommes par la naissance d’un fragile enfant, vénéré par les Rois Mages, accueilli au Temple par le sage Syméon, et condamné à mort aux premiers jours de sa vie terrestre, fonde la foi catholique. Conscient que ce mystère de l’Incarnation est la fine pointe de la religion chrétienne, il devient évident pour Jérôme qu’on ne peut croire en Dieu sans aimer le Christ incarné et avec Lui tous nos frères humains. Il a une conscience très aigüe de l’enjeu du combat qui se livre autour de la vie humaine. Il sait que ses racines sont spirituelles. En mars 1973, lors d’un colloque organisé par le Cercle français de la Presse, et par des féministes pro-avortement, Jérôme Lejeune est témoin d’une déclaration terrible. Une femme, influente, y déclare : «Nous voulons détruire la civilisation judéo-chrétienne. Pour cela nous devons d’abord détruire la famille. Pour la détruire nous devons l’attaquer dans son point le plus faible et ce point faible est l’enfant qui n’est pas né encore. Donc, nous sommes pour l’avortement». Cela confirme ce qu’il pensait : «Si on veut vraiment attaquer le Fils de l’homme, il n’y a qu’un moyen, c’est d’attaquer les fils des hommes. Le christianisme est la seule religion qui vous dise ‘votre modèle est un enfant’ ; quand on vous aura appris à mépriser l’enfant, il n’y aura plus de christianisme».
C’est ainsi que le grand Professeur Jérôme Lejeune devient l’infatigable apôtre de l’Evangile de la Vie, parcourant le monde pour annoncer, sans peur des sanctions pour sa carrière, la beauté de toute vie humaine et la dignité de chaque malade. Sa méthode est d’une simplicité biblique : annoncer la vérité, toujours et partout : «L’immense tâche à recommencer est de reconstruire les intelligences car une raison faussée rend l’homme insensible aux appels du cœur». Son témoignage purifie les intelligences des scories du relativisme, fortifie les tièdes et encourage chacun : « La mort est un triomphe dérisoire », « N’ayez pas peur ! C’est vous qui avez les paroles de la Vie !»
Le vénérable Jérôme Lejeune est mort le 3 avril 1994, avant d’avoir vu la victoire politique des serviteurs de la vie, avant d’avoir trouvé le traitement qui guérirait ses patients. Mais il est mort le matin de Pâques, le jour de la victoire de la Vie, de la victoire de la Lumière sur les ténèbres. En rappelant par son œuvre que notre ‘modèle est un enfant’, que cet Enfant, et avec lui tous les enfants, est le curseur de notre foi et de notre charité et qu’en Le suivant on ne se trompe pas, il nous indique le chemin. Il s’en est allé, avec la foi et l’espérance de Syméon. La reconnaissance par le Pape de l’héroïcité de ses vertus est une grande joie ! A sa suite « nous n’abandonnerons jamais ! Deo Juvante ! » (Aude Dugast, Postulatrice de la cause de canonisation du prof. Lejeune)