Un laïc, marié, père de 4 enfants, peut-il prier plusieurs heures par jour, et souvent aussi la nuit, dire l’Office des religieux et diriger des âmes consacrées à la vie contemplative dans le Carmel ? Même si ce n’est pas très courant, il n’est impossible car Gaston de Renty (1611-1649), un noble ascétique et mystique du renouveau français post-tridentin l’a fait et avec des fruits hors du commun (cf. Y. Chiron, Gaston de Renty, un laïc mystique du XVIIème siècle, Éditions du Carmel, Toulouse 2012, pp. 120, 11 euros).
La courte vie de Renty nous est surtout connue par la biographie de celui qui fut pendant longtemps son directeur spirituel, le père jésuite Jean-Baptiste Saint-Jure, ainsi que par les centaines de lettres conservées aux Archives et publiées en 1978. Yves Chiron nous offre cette fois un petit livre alerte, bien écrit et qui, comparé à ses ouvrages les plus connus (comme les biographies des Pontifes), se révèle être un texte que l’on peut définir de méditation spirituelle.
Ce protagoniste de l’école française de spiritualité du XVIIème siècle, « a eu une activité multiforme dans le siècle et en même temps, les dernières années de sa vie se sont accompagnées d’une réputation de sainteté » (p. 5). Il est né dans un château du Calvados du marquis de Renty et il fit de brillantes études aux Collèges de Navarre et de Caen. Avant de se rapprocher de la Foi, grâce à une lecture intense de l’Imitation du Christ (en 1630), il était très intéressé par les études scientifiques. Au moment de sa “conversion”, il pensa entrer à la Chartreuse, mais finalement, après avoir participé à une mission prêchée à Paris par les Oratoriens (ordre auquel il sera toujours proche) et étant déjà père de famille, il décida de rester dans le monde « pour mieux réformer la société » (p. 25), tout en vivant comme un « gentilhomme chrétien et pieux ».
En tant que laïc engagé dans la cité et dans les œuvres de charité, il sera un membre très actif ainsi que onze fois le Supérieur de la Compagnie du Saint Sacrement qui a joué un rôle très important et souvent négligé dans la France du XVIIème siècle. Il sera amené à diriger plusieurs personnes : hommes et femmes mariés, et même des religieuses, comme Marie des Vallées (avec laquelle il aura plutôt une amitié spirituelle) et surtout Marguerite du Saint-Sacrement du Carmel de Beaune. Il approfondira avec elle la spiritualité de l’enfance pour vivre, en suivant le modèle de Jésus Enfant, les trois vertus aimées de « l’innocence, la pureté et la simplicité ».
Sa vie sera toujours marquée par cette dévotion nouvelle et il contribua à la propager en France et ailleurs. Il arrivera au point d’écrire, avec son propre sang, sa consécration au Saint Enfant Jésus (cf. pp. 85-86), avec des accents de vrai mystique et de chrétien “integra” accompli et transformé par la grâce divine.
Sa spiritualité qui s’inspire de façon harmonieuse tant de l’Oratoire, que du Carmel et des Jésuites, nous a laissé des pages splendides de son Épistolaire cités par morceaux par Chiron et notamment les Règles de haute perfection reportées intégralement à la fin du livre (pp. 111-113). L’esprit de fond de ces Règles sont dans la « haine des richesses et des honneurs du monde » pour vivre « selon l’esprit du Christianisme ».
Avec cette belle biographie, l’historien Chiron montre que déjà à cette époque, les laïcs pouvaient, voire devaient, s’engager dans le bon combat pour une cité catholique et pour une société morale et chrétienne : chose vraie au XVIIème siècle, et toujours plus vraie au XXIème siècle. (F. C.)