Le complexe occidental : petit traité de déculpabilisation, tel est le titre du dernier ouvrage d’Alexandre del Valle, géopolitologue, éditorialiste et enseignant à Sup de Co. (Editions du Toucan, Paris 2014). L’ouvrage, de près de 400 pages, n’est pas un de ces pamphlets contre le politiquement correct se contentant de dénoncer le terrorisme intellectuel. Il s’agit d’un véritable « manuel de contre-désinformation » extrêmement documenté et instructif.
Mentionné dans le “Figaro magazine” du 25 avril 2014, dans une recension faite par Charles-Henri d’Andigné qui le qualifie d’ « audacieux et tonique », Le Complexe occidental, entend « guérir la dépression collective et mettre fin à la culpabilisation générale de l’Occidental » aux termes d’une vaste « thérapie de réarmement moral et d’autoestime », travail de déculpabilisation « métapolitique » sans lequel, selon l’auteur, la victoire politique ne sert à rien dans nos démocraties déclinantes confisquées par des « minorités tyranniques » dont l’arme suprême d’inhibition est justement la culpabilisation couplée avec la diabolisation ou « reductio ad hitlerum » que l’auteur démonte dans une démonstration sans appel.
A l’évidence, le postulat premier du nouvel essai d’Alexandre del Vallle est que « le combat politique et géopolitique n’est pas que de la matière mais aussi et avant tout de l’Esprit », car « la guerre est d’abord mentale ». Cette « guerre des représentations », ainsi que Del Valle nomme dans un chapitre fort passionnant qui lui est consacrée, est à la fois « une guerre des mots, une guerre des images, une guerre des idées et une guerre psychique ». Et selon lui, non seulement les idées les plus remplies de force accusatoire et les plus affirmées « écrasent les plus faibles ou les plus culpabilisées », mais « à armes égales, c’est le mental qui fait toute la différence »…
Pour l’auteur, qui a étudié les phénomènes de désinformation et de manipulation avec des maîtres illustres qu’il cite dans ses remerciements, à savoir Vladimir Volkoff et le Général Pierre Marie Gallois, nos sociétés occidentales ont donc été « contaminées » et affaiblies par de véritables « virus », à commencer par celui de la culpabilisation collective, véritable « arme de destruction de masse psychologique » qui produit à la fois le vide, le désespoir et l’auto-destruction. Del Valle explique que cette culpabilisation à l’origine du « masochisme collectif » de l’Homme Blanc Européen Chrétien, nouveau pestiféré contre qui tout est permis, est le fruit d’une « convergence d’empires idéologiques hostiles» et non pas le résultat d’un « complot d’un groupe occulte ». Cela n’est pas forcément rassurant, car l’auteur explique que le terrorisme intellectuel est encore plus difficile à combattre s’il ne provient pas d’un seul complot occulte mais d’une « convergences de forces idéologiques et de structures politico-économiques qui y ont intérêt ». Pour lui, l’idéologie de la culpabilisation et de la diabolisation est effet alimentée à la fois par « Mc World », « l’empire mondialiste-consumériste actionné par les multinationales délocalisées et les médias du divertissement hostiles aux barrières identitaires et douanières » pour étendre leurs marchés insatiables fondés sur le marketing et le désir ; « l’Internationalisme marxisme, également anti-national et totalement hostiles aux racines, aux Etats-nations, aux hiérarchies et aux Traditions » ; puis « l’empire techno-normatif multiculturaliste de Bruxelles », « laboratoire d’essai de l’Utopie mondialiste », tout aussi hostile aux valeurs chrétiennes et nationales. L’auteur explique aussi que dans l’assaut général contre l’Etat-Nation européen, on retrouve aussi d’autres « empires idéologiques » internationales, à savoir l’écologisme de plus en plus radical et l’islamisme, tout aussi internationalistes que les premiers.
D’après Alexandre del Valle, ces différents empires, ou « trous noirs sémantiques », sont donc des sources complémentaires, souvent hostiles entre elles mais « convergentes », qui font toute la force du Terrorisme intellectuel mondialiste qui, pour « détruire l’Etat-nation occidental et la civilisation chrétienne-catholique », a élaboré les « 9 grands mythes fondateurs du Cosmopolitiquement correct » (néologisme amusant créé par l’auteur) : 1/ les croisades chrétiennes, qui font trop souvent oublier les croisades islamiques, bien antérieures… ; 2/ les “ténèbres” du Moyen Age chrétien, que l’on oppose souvent à « l’empire arabo-musulman éclairé » d’Al-Andalus et à la chimère de la « science arabe » ; 3/ la fable des Cathares tolérants, éclairés et innocents; 4/ l’Inquisition « stade suprême de l’intolérance » ; 5/ les accusations d’esclavagisme, de colonialisme et de racisme toujours à sens unique… ; 6/ la diabolisation obsessionnelle de l’Eglise catholique et sa « nazification » à travers la désinformation sur Pie XII ; 7/ la « mondialisation heureuse » à l’assaut de l’Etat-Nation soumis à la « reductio ad hitlerum » ; 8/ le mythe de la financiarisation et de l’euro fort ; 9/ ou encore l’élargissement interminable de l’Union européenne (notamment à la Turquie…) et ses dérives multiculturalistes.
Afin de retrouver l’estime de soi, condition nécessaire pour être respecté par les Autres, del Valle invite les pays de la Vieille Europe, les plus touchés par le virus de la culpabilisation, à engager d’urgence une « vaste thérapie globale de déculpabilisation et de réconciliation avec soi-même ». Il montre enfin en quoi la survie géopolitique des nations occidentales dans le nouveau contexte multipolaire passe par leur capacité à « substituer à leurs prétentions universalistes, souvent contre-productives, un recentrage stratégique et une réappropriation de leur identité propre ». (Antonio Colonna)