Octobre 1996, Michel De Jaeghere atterrit à Rome : Jean Paul II est hospitalisé en urgence, la fin du pape polonais, usé, malade, semble toute proche, les vaticanistes du monde entier se retrouvent à la salle de presse du Saint-Siège. Rome est en ébullition, comme toujours en période de ce que l’on croit être un pré-conclave. En réalité, Jean Paul II ne mourra que neuf ans plus tard. Cet épisode de la vie de Jean Paul II, on l’aura deviné, n’est qu’un prétexte.
Sur les traces de Stendhal, de Montherlant, du président des Brosses, de tous ces romains d’adoption tellement éblouis, captés, enivrés par la beauté unique de l’Urbs qu’ils ont offert à la littérature des pages savoureuses, Michel De Jaeghere nous invite à pérégriner en sa compagnie dans la Rome des papes et des empereurs, des monsignore ventrus et des cardinaux ascétiques, (à moins que ce ne soit l’inverse), des palais et des trattorias, du palais Altemps à la Rampa, délicieuse trattoria à l’ombre de la scalinata de la place d’Espagne…Dans cette promenade idéale, on croise Roberto de Mattei et le cardinal Oddi, Jules II et Michel-Ange, Néron et Trajan, sainte Thérèse en extase et saint Laurent sur le gril, Fra Angelico et Alberto Sordi. Rythmant la narration, les portraits sont savoureux, souvent caustiques : des vaticanistes affichent leur ignorance de manière péremptoire, des papes fastueux ruinent le trésor pontifical mais rebâtissent la Ville, les diplomates sont importants et des intellectuels …lucides.
L’historien nous offre un récit foisonnant, teinté d’humour, d’une érudition époustouflante. Comme un trésor, il nous laisse à voir une Rome inépuisable, qui loin du musée à ciel ouvert que nous vend le tourisme de masse constitue le manifeste le plus évident de la supériorité de la civilisation occidentale, et la capacité surnaturelle du catholicisme d’absorber le monde païen, de sublimer le profane, en tissant ces liens inextricables qui rattachent la terre au Ciel, la matière au génie, les couleurs, les formes, la vie ici-bas à la perfection spirituelle, l’émotion esthétique à l’Invisible.
On referme ce livre à regret. On aimerait l’avoir écrit. (Michel De Jaeghere, Un automne romain. Journal sans moi, Les Belles Lettres, Paris 2018, 400 pages, 19 €) (Marie d’Armagnac)