Mise en garde du cardinal Burke sur le Synode

Mise en garde du cardinal Burke sur le Synode
SOURCE DE L'IMAGE: Cardinal Burke (https://www.cardinalburke.com/)
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Nous publions une partie de la conférence tenue par S. Emin. le cardinal Raymond Leo Burke lors de la conférence organisée par la Nuova Bussola Quotidiana sur La tour de Babel synodale qui a eu lieu à Rome le 3 octobre 2023. La traduction intégrale du texte en français a été faite par Jeanne Smits et se trouve sur son Blog (https://leblogdejeannesmits.blogspot.com/ 2023/10/la-conference-du-cardinal-burke-au.html)

 

Le Synode sur la « synodalité » est à la remorque de certaines perspectives très répandues dans l’Église d’aujourd’hui, qui ont également été illustrées par la récente reconstruction de la Curie romaine au moyen de la Constitution Apostolique Praedicate Evangelium. Celle-ci insiste principalement sur la nature missionnaire et la synodalité de l’Église comme étant les «caractéristiques»  [marques], les « traits essentiels » de la vie ecclésiale, et semble faire découler la structure de la Curie romaine de ce point de départ. Mais, comme nous le professons dans le Credo et comme l’enseigne la Constitution dogmatique du Concile œcuménique Vatican II sur l’Église, Lumen Gentium, la Sainte Mère Église est, dans ses caractéristiques, dans ses caractères essentiels, « une, sainte, catholique et apostolique ».

La confusion qui règne dans les domaines de la théologie, de la morale et même de la philosophie élémentaire est alimentée par un important manque de clarté du vocabulaire utilisé, et cela est probablement voulu par certains. On assiste à un glissement sémantique de certains mots ou expressions, qui rend incompréhensible l’enseignement de l’Église sur certains points. Je pourrais citer l’expression « miséricorde de Dieu », par exemple. Mais parfois, de nouveaux mots sont lancés ou exagérés sans définition claire, comme c’est le cas pour le mot synodalité. Dans un tel état de confusion au sujet des caractères essentiels de l’Église, le risque existe de perdre l’identité de l’Église, et notre identité en tant que membres du Corps mystique du Christ, en tant que sarments de la « vraie vigne » qu’est le Christ, dont le Père éternel « est le vigneron ».

Dès lors que ces concepts prennent une place centrale et ne sont pas clairement définis, la porte est ouverte à tous ceux qui veulent les interpréter d’une manière qui rompt avec l’enseignement constant de l’Église en la matière. En effet, l’histoire de l’Église nous enseigne que la résolution des crises les plus graves, comme la crise arienne, commence toujours par une grande précision dans le vocabulaire et les concepts utilisés.

Revenons aux caractères essentiels de l’Église que propose Praedicate Evangelium pour mieux comprendre l’orientation que prend le synode : la nature missionnaire et la synodalité. Il s’agit de deux caractéristiques en un sens connues, mais leur élévation au rang de caractéristiques essentielles de l’Église et, par conséquent, de critères fondamentaux de la restructuration de la Curie romaine – et désormais, par ce synode, des caractères essentiels de la totalité de l’Église universelle – conduit à des ambiguïtés et à des malentendus qu’il est nécessaire de reconnaître et dissiper.

Il est légitime de dire que l’Église tout entière est missionnaire. Tous les fidèles sont appelés, en fonction de leur vocation et de leurs dons personnels, à témoigner du Christ dans le monde. Mais pour témoigner du Christ, les fidèles ont besoin de le rencontrer vivant dans l’Église à travers la Sainte Tradition, qui est doctrinale, liturgique et disciplinaire. Ils ont besoin de bons pasteurs – le Pontife romain et les évêques en communion avec lui, ainsi que les prêtres, principaux collaborateurs des évêques – qui les guident vers le Christ et qui sauvegardent pour eux la vie dans le Christ, en particulier par l’enseignement de la saine doctrine et de la bonne morale et, de façon plus parfaite et plus complète, par la sainte liturgie, le culte de Dieu « en esprit et en vérité ».   En effet, ce sont l’enseignement de la vérité et le culte divin « en esprit et en vérité » qui favorisent la croissance de la vie dans le Christ de chaque croyant et de l’Église tout entière. Comme nous l’enseigne saint Paul, dans l’Église, il faut que « nous ne soyons plus des enfants ballottés et que nous ne soyons plus emportés à tout vent de doctrine, par la malice des hommes, par les artifices séduisants de l’erreur », mais que, « pratiquant la vérité dans la charité, nous croissions à tout égard en celui qui est le chef, le Christ ».

Selon l’enseignement constant de l’Église, le Christ a institué l’Office pétrinien pour que tous les évêques, et donc tous les fidèles, soient unis dans la foi.   Le Concile Vatican II, dans la Constitution dogmatique sur l’Église, a déclaré que « pour que l’épiscopat lui-même fût un et indivis, il a mis saint Pierre à la tête des autres Apôtres, instituant, dans sa personne, un principe et un fondement perpétuels et visibles d’unité de la foi et de communion ».  Voici comment le Concile définit l’Office pétrinien : « Le pontife romain, comme successeur de Pierre, est le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles. »

La Curie romaine est l’instrument principal du Pontife romain dans le cadre de son service irremplaçable à l’Église universelle. Selon les mots des Pères du Concile : « Dans l’exercice de son pouvoir suprême, plénier et immédiat sur l’Église universelle, le Pontife romain se sert des dicastères de la Curie romaine ; c’est donc en son nom et par son autorité que ceux-ci remplissent leur tâche pour le bien des Églises et le service des pasteurs sacrés. »  Le successeur de saint Pierre, par l’intermédiaire de la Curie romaine, aide les évêques à accomplir leur service fondamental, que le Concile décrit en ces termes : « Tous les évêques, en effet, doivent promouvoir et servir l’unité de la foi et la discipline commune de l’ensemble de l’Église, former les fidèles à l’amour envers tout le Corps mystique du Christ, surtout envers ses membres pauvres, souffrants, et envers ceux qui souffrent persécution pour la justice (cf. Mt 5, 10), ils doivent enfin promouvoir toute l’activité qui est commune à l’ensemble de l’Église, surtout en vue du progrès de la foi et pour que la lumière de la pleine vérité se lève sur tous les hommes. »

La nature missionnaire de l’Église est le fruit de cette unité de doctrine, de liturgie et de discipline ; elle est le fruit du Christ vivant qui est dans l’Église, dans les membres de son Corps mystique dont Il est la tête. C’est le Christ seul qui est proclamé et prêché à toutes les nations pour que beaucoup soient baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Telle est la mission de l’Église qui lui a été confiée par le Seigneur : « Toute puissance M’a été donnée dans le Ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et leur enseignant à observer tout ce que Je vous ai commandé. Et voici que Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles. »

La mission du Christ est antérieure à toute activité missionnaire, à n’importe quelle caractéristique de la nature missionnaire. En réalité, la nature missionnaire n’est qu’une manifestation de la présence vivante du Christ dans l’Église pour faire « de toutes les nations des disciples », le Christ qui demeure toujours vivant dans l’Église « jusqu’à la consommation des siècles ».

La synodalité, en tant que terme abstrait, est un néologisme dans la doctrine relative à l’Église. Il est bien connu que le Concile Vatican II a voulu éviter les termes abstraits de conciliarité et de collégialité, qui ne se trouvent pas dans les textes conciliaires. On doit supposer que le Concile lui-même aurait cherché à éviter un terme abstrait comme celui de synodalité, s’il l’avait seulement connu.

La tradition canonique connaît l’institution du Synode comme un instrument chargé de conseiller les pasteurs sacrés ; l’Église n’est pas décrite comme synodale, mais au contraire comme communion hiérarchique.  Ce sont les pasteurs au sein de la communion sauvegardée et renforcée par l’Office pétrinien, c’est-à-dire la hiérarchie, qui ont la responsabilité de la conduite doctrinale, liturgique et morale de l’Église. Le synode est une aide offerte aux pasteurs pour qu’ils puissent accomplir leur service. Il ne remplace jamais et ne peut pas remplacer l’office pastoral voulue et instituée par le Christ lui-même.

Le Synode des évêques est décrit comme « la réunion des Évêques qui, (…) se rassemblent à des temps fixés afin de favoriser l’étroite union entre le Pontife Romain et les Évêques et d’aider de ses conseils le Pontife Romain pour le maintien et le progrès de la foi et des mœurs, pour conserver et affermir la discipline ecclésiastique, et aussi afin d’étudier les questions concernant l’action de l’Église dans le monde. »   Le P. Murray nous a magistralement rappelé la nature du Synode des évêques, suivant le canon 342 du Code de droit canonique que je viens de citer.

Je me contenterai d’ajouter que, dans le même ordre d’idées, le synode diocésain est décrit comme « la réunion des délégués des prêtres et des autres fidèles de l’Église particulière qui apportent leur concours à l’Évêque diocésain pour le bien de la communauté diocésaine tout entière ».  Le synode, en tant qu’institut canonique, désigne un moyen solennel parmi plusieurs autres par lesquels tous les fidèles, par leur vocation et au moyen de leurs talents, aident leurs pasteurs sacrés à remplir leurs responsabilités en tant que véritables maîtres de la foi. Le canon 212 du Code de droit canonique, qui a sa source originelle dans l’enseignement du Seigneur sur la correction fraternelle,  fournit les normes qui régissent les rapports entre les pasteurs sacrés et les fidèles au sein de la communion hiérarchique de l’Église. Parmi ces modes, l’institution du synode est extraordinaire, exigeant une préparation longue et adéquate, et une célébration bien disciplinée afin d’éviter les malentendus qui peuvent facilement, surtout dans une culture totalement sécularisée et mondaine, rendre le processus synodal néfaste pour l’Église. (…)

Invoquons la Bienheureuse Vierge Marie, en particulier son Cœur Immaculé, saint Joseph, Protecteur de la Sainte Église, les saints Apôtres Pierre et Paul, et tous les saints, afin que chacun de nous reste fidèle au Christ et à Son Église, Une, Sainte, Catholique et Apostolique, la Sainte Église Romaine ; et que l’Église elle-même, sans tache ni ride, puisse se libérer au plus vite de l’état actuel de confusion et de division pour abréger ces temps où le risque de perte d’âmes est grand. Salus animarum « in Ecclesia suprema semper lex esse debet ».

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