Pontmain, message pour notre temps

Pontmain,-couleurs-d’espérance
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L’apparition de Notre-Dame aux enfants, le soir du 17 janvier 1871, au dessus du petit village de Pontmain en Mayenne, est sans doute la moins célèbre du grand cycle des mariophanies françaises reconnues par l’Église au XIXe siècle. Un silence s’est abattu, dans l’après concile, autour de cet événement qui n’apparaissait plus « en phase » avec les préoccupations et les priorités ecclésiales du moment.

Dans l’étude qu’il lui consacra à l’occasion du centenaire, l’abbé Laurentin soulignait combien les premiers mots du message inscrit dans le ciel en cette soirée d’hiver : « mais priez mes enfants» gênaient en cette période où la contemplation était bannie au profit d’un activisme qui laisserait de moins en moins de place à Dieu.

Ce n’était pas, au demeurant, le seul grief à l’encontre du « fait de Pontmain ». Survenue dans le contexte de la guerre qui opposait la France et la Prusse, et avait vu la débâcle des armées de Napoléon III, celui-ci et son fils faits prisonniers, le siège de Paris et l’invasion d’une partie du pays, l’apparition avait été comprise comme une réponse divine aux supplications de la France catholique qui implorait l’arrêt des combats et la paix. Effectivement, quelques heures après que Notre-Dame eût énoncé la suite de son message : « Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher ».

Le haut commandement allemand, victorieux, renonçait à entrer dans Laval, à 50 Kms de Pontmain, puis à envahir la Bretagne, retrait qui reste aujourd’hui stratégiquement inexpliqué. La reine de France avait une nouvelle fois sauvé son royaume infidèle.

Or, ce qui avait empli les Français de joie en 1871 ne passait plus un siècle après et faisait taxer l’événement de Pontmain de « nationalisme », péché inexpiable. Un ordinaire du lieu aurait confié qu’à la place de Mgr Wicart, évêque de Laval en 1871, qui reconnut l’apparition dès l’année suivante, lui n’aurait jamais accrédité la vision, « Marie ne pouvant prendre parti en faveur de la France. » Au vrai, la Très Sainte Vierge n’avait nullement pris parti, car, en ce cas, Elle eût opéré quelque miraculeux revirement de la fortune des armes et permis aux troupes françaises en déroute de crosser l’ennemi, ce qui ne fut pas le cas : la France perdit la guerre et en paya durement le prix. L’apparition, exaucement des prières d’un peuple que le désastre ramenait à la foi, permit seulement d’abréger les souffrances de tous les belligérants, et d’épargner, en même temps que l’invasion aux provinces de l’Ouest demeurées les plus ferventes, quelques tueries supplémentaires. Ce n’était pas la même chose.

Quoiqu’il en soit, Pontmain, désormais considéré comme un épiphénomène renvoyant à des événements anciens et une conception du catholicisme dépassé, était destiné à sombrer dans l’oubli, ou à changer de visage, raison pour laquelle l’on crut bon de remplacer les paroles du cantique traditionnel « Mère de l’Espérance dont le nom est si doux, protégez notre France, priez, priez pour nous ! » par un étrange « Madone de l’enfance, demeure auprès de nous », qui avait le double mérite de ne rien vouloir dire et d’user du tutoiement envers la Très Sainte Mère de Dieu.

Pourtant, à l’approche du cent cinquantenaire de l’apparition, qui sera solennellement célébré en 2021, les choses changent. La parution du nouveau livre du Père Louis-Marie Ariño-Durand, Pontmain, couleurs d’espérance (Le Cerf, 190 pages, 14 €) le prouve.

Fils de saint Dominique, le Père Ariño-Durand, responsable international des équipes du Rosaire pour l’Ordre des Prêcheurs, est un grand, un fervent dévot de Notre-Dame. Il suffit de lire ses précédents ouvrages, Rosaire un jour rosaire toujours, ou Fatima, n’en parlez pas, c’est un secret, également parus au Cerf, pour s’en convaincre. En approchant du message de Pontmain, en apparence d’une simplicité déconcertante mais en réalité chargé, dans sa grandiose mise en scène céleste, de tant de symboles que l’on n’a pas encore fini de le déchiffrer, le père Ariño-Durand a décidé de tout dire, y compris ce qui ne se dit plus, et d’en finir avec les âneries qui ont défiguré cette merveilleuse histoire.

Pour cela, il faut du courage, et qu’il ait pu écrire ce livre, puis le publier, est révélateur d’un heureux changement. Car il ne pratique pas la langue de buis et dit ce qu’il a dire avec une clarté, une sincérité, un bon sens auxquels nous étions déshabitués. Si le père Ariño-Durand raconte, très bien, Pontmain à ceux qui ne le connaissent pas, et ils sont nombreux, il va beaucoup plus loin. En suivant un plan original, fondé sur la gamme chromatique de l’apparition qui marie bleu, blanc, rouge, noir et or, il entre au cœur même du mystère. Rouge, comme le crucifix, emprunté à saint Louis-Marie Grignion de Montfort, que Notre-Dame présente aux enfants, ce qui permet de rappeler le prix de la croix du Christ. Blanc, comme l’inscription qui le surmonte : Jésus-Christ, et offre l’occasion, non seulement d’une très belle catéchèse sur le saint Nom de Jésus mais aussi une mise au point expliquant que Jésus le Sauveur n’est pas Issa le prophète des musulmans, quoiqu’on prétende. Noir, comme le désespoir qui s’était emparé des cœurs ce soir-là, et qu’une nuit soudain illuminée par des milliers d’étoiles vint dissiper.

Le père Ariño-Durand a toutes les audaces et ne s’embarrasse pas du prêt à penser. Il ose revendiquer le droit de prier pour la France, réclamer la restitution des anciennes paroles du cantique de l’apparition, en offrir « la bande sonore » en latin, car, si Marie ne parla pas, préférant écrire, la foule des fidèles se chargea, par ses chants et ses prières, d’animer la veillée, ce qui permet de souligner la valeur de ces textes dont ces très humbles paysans, parlant mieux patois que français, saisissaient pourtant, malgré le prétendu obstacle de la langue liturgique, l’immense portée et l’enseignement, que nous avons trop oubliés faute de les savoir encore.

Il y a bien d’autres audaces dans ce livre, et des plus belles. À vous de les découvrir et de les méditer. Vous ne le regretterez pas. (Anne Bernet)

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