Prière pour la paix?

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Avec l’invasion du Donbass par les forces armées russes en février dernier, un scénario mondial inquiétant s’est ouvert, menaçant d’une conflagration nucléaire. Il n’est donc pas surprenant que des prières pour la paix soient formulées presque partout, du Pape aux paroisses, en passant par les groupes et les individus. Il est certainement juste de prier pour la paix. Mais avec quelques distinctions.

Tout d’abord, qu’est-ce que la paix ? La paix n’est pas l’absence de guerre. Un “cessez-le-feu” et “déposez les armes” ne signifient pas la paix. La paix, affirme saint Augustin dans la Cité de Dieu, est «la tranquillité de l’ordre» (De Civitate Dei, 19, 13). «Hors de l’ordre règne l’agitation, dans l’ordre règne la tranquillité». Et comme l’homme est triplement ordonné : avec lui-même, avec Dieu et avec le prochain, on peut dire qu’il y a trois formes de paix : la paix intérieure, la paix avec Dieu et la paix relative au prochain.

Saint Thomas, dans sa Somme, développe l’idée augustinienne de la paix. Ce n’est pas un hasard s’il la traite en relation avec la vertu théologale par excellence, qui est la charité, dont la paix, selon l’Aquinate, est un effet. La véritable paix – selon saint Thomas – existe là où il y a un véritable amour de Dieu et du prochain, qui ne peut exister que dans l’âme en grâce. Il conclut en affirmant que «sans la grâce sanctifiante, il ne peut y avoir de paix véritable, mais seulement une paix apparente» (Summa Theologiae, II-II, q.29, a.3, ad 1). «De la thèse thomiste qui fait de la charité la cause propre de la paix, – commente le théologien Mgr Amato Masnovo (1880-1955) – deux conséquences découlent immédiatement. Puisque la charité suppose la grâce sanctifiante, la vraie paix, qui suppose la charité, suppose la grâce sanctifiante et donc l’absence de péché. Par conséquent, là où il y a une culpabilité sociale ou, peut-être de manière plus précise et plus moderne, la culpabilité de l’organisme public “État”, il ne peut y avoir de véritable paix sociale. 

La deuxième conséquence de la thèse thomiste, qui fait de la charité la cause propre de la paix, est que la paix n’est pas l’effet de la justice. Saint Thomas déclare explicitement que la justice n’est, par rapport à la paix, qu’un removens prohibens : c’est-à-dire qu’elle supprime les obstacles à la paix et en est donc une condition, mais rien de plus» (“Rivista di Filosofia Neo-Scolastica”, n° 4 (30 août 1918), pp. 356-357).

La paix individuelle est donc fondée sur la charité et seule l’âme en grâce, possédant la charité, peut en jouir véritablement. La paix collective est fondée sur l’ordre établi par Dieu, et seul l’État qui, par ses lois, le favorise, ou du moins le respecte, peut en jouir.

Prier pour la paix signifie donc prier pour que l’ordre voulu par Dieu soit rétabli dans les individus et la société. Ce n’est que de cette manière que l’on peut atteindre une véritable paix. Personne ne peut ignorer que, par conséquent, on ne peut invoquer la paix avec un drapeau arc-en-ciel à la main, car cette bannière est une invitation au désordre moral, qui est l’exact opposé de l’ordre voulu par Dieu, dont seule la paix descend. La paix ne peut pas non plus être invoquée dans des réunions œcuméniques et interreligieuses trompeuses, qui sont une invitation au désordre surnaturel, véhiculant le message pernicieux que toutes les religions sont égales. On peut encore moins théoriser sur une “fraternité universelle” indéfinie et chimérique, fondée sur des valeurs sociales illusoires et éphémères, comme si la paix était le résultat d’accords humains. Ces initiatives de paix vont exactement à l’encontre de l’ordre naturel et surnaturel établi par Dieu.

On veut la paix, mais on ne veut pas les moyens de la paix. On demande la fin de la guerre, mais on ne veut pas en supprimer les causes, avec un appel à la repentance, avec des actes d’expiation publics et privés, avec la réparation adéquate des offenses faites à Dieu, avec la pénitence publique et privée, avec un appel à la conversion.

Les gens veulent la paix, mais ils ne veulent pas que le Christ, le Prince de la paix, règne sur les individus et les nations. Tant que résonnera le cri qui a résonné à Jérusalem le Vendredi Saint il y a deux mille ans : «Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous» (Lc 19, 14), la paix restera une utopie lointaine et la prière pour la paix sera peut-être une initiative humaine louable, mais elle restera certainement incapable de la réaliser.

L’âme vraiment catholique, par contre, demande la paix au Christ, son Seigneur, le Roi pacifique et Prince de la paix, le seul qui puisse donner la vraie paix fondée sur la charité et la grâce, et au cri blasphématoire «Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous», il répond : «Adveniat regnum Christi adveniat per Mariam».

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